Ensuite, l’État fait aussi tout ce qu’il peut pour attaquer le droit du travail parce que, ça aussi, c’est un frein aux profits, vu que ça limite le pouvoir des patron·ne·s et ce qu’iels peuvent imposer à leurs employé·e·s.
Le droit du travail, pour rappel, c’est une protection pour les travailleurs·euses, pour compenser (un peu) leur vulnérabilité et la faiblesse de leur position.
En vrac, le droit du travail :
Bref, ce droit du travail, qui a été arraché à force de luttes et de grèves, sert à protéger (un peu) la masse de la population, et à limiter (un peu) la violence de l’exploitation capitaliste.
Sauf que, évidemment, le patronat n’aime pas du tout ça. Et donc, l’État attaque et détricote ce droit du travail dès qu’il en a l’occasion, c’est à dire : dès que le rapport de force avec les travailleurs·euses dans la rue le permet et qu’il y a pas trop de grèves, pour permettre au patronat d’augmenter ses profits.
Les attaques les plus évidentes contre le droit du travail, c’est les attaques frontales, celles dont on entend le plus parler, qui visent à l’« assouplir », comme on dit pudiquement, c’est à dire à détruire les garanties des employé·e·s : le raccourcissement des délais de licenciements, l’augmentation du temps de travail, la suppression de jours de repos ou de jours fériés, l’ajout de contrats de moins en moins protecteurs, le plafonnement des indemnités prud’homales, etc.
Mais ces attaques « frontales » sont loin d’être les seules, et il y en a plein d’autres, plus ou moins subtiles :
Par exemple, plutôt que de remettre en cause carrément la loi dans son ensemble, l’État se débrouille pour ajouter plein de dérogations ou d’exceptions un peu partout, à toutes les règles qui sont un peu trop contraignantes et un peu trop favorables aux employé·e·s, dès que le patronat l’exige.
Avantage de cette stratégie : ça permet de diviser les salarié·e·s et de pas les attaquer tou·te·s en même temps, et donc de réduire le risque de grosses grèves en retour. Imaginez que l’État et le patronat tentent, par exemple, de supprimer carrément le repos dominical pour tout le monde : ils risqueraient de se prendre des grosses grèves dans la gueule en retour, et donc d’être forcé·e·s de reculer, parce qu’ils s’attaquent à tou·te·s les salarié·e·s en même temps.
Alors que si ils se contentent d’ajouter juste quelques exceptions ici et là pour les salarié·e·s de telle et telle branches professionnelles, comme l’hôtellerie-restauration, ou la grande distribution, hé ben c’est juste les salarié·e·s de ces branches qui sont attaqué·e·s, et leur capacité de grèves et de mobilisation est souvent beaucoup moins forte que celle de l’ensemble des salarié·e·s, du coup, hop, ça passe beaucoup plus facilement ! Et ça revient presque au même pour le patronat en pratique d’ailleurs, puisque évidemment, il exige surtout ces dérogations dans les domaines où ça compte le plus : ça rapporterait presque rien par exemple de tenter de faire bosser la plupart des employé·e·s de bureau le dimanche plutôt que la semaine, donc le patronat les laisse plus ou moins tranquilles, et ça lui permet comme ça de diviser les travailleurs·euses.
Et c’est comme ça que vous avez des tas d’exceptions qui font qu’en fait, même si le travail du dimanche reste (théoriquement) toujours interdit, en pratique il est autorisé dans la plupart des branches professionnelles où ça compte vraiment…
Il faut savoir d’ailleurs que la fameuse « complexité » du code du travail (vous savez, cette complexité qui est souvent dénoncée par le patronat et ses alliés, et utilisée comme prétexte et comme excuse pour le démanteler…), hé bien cette complexité vient en fait… du patronat lui-même, et de toutes les exceptions qu’il a exigées (et obtenues) aux règles qui protègent les salarié·e·s ! Par exemple, l’interdiction du travail dominical, c’est à peine quatre lignes dans le code du travail, qui disent juste que les employé·e·s ont droit à un repos hebdomadaire le dimanche, point. Mais vous avez ensuite une trentaine d’articles de dérogations diverses, qui comportent chacun plusieurs paragraphes, et qui listent les exceptions possibles et sous quelles conditions on peut y déroger ! Vous voyez, la complexité vient en fait surtout des exceptions exigées par le patronat.
D’ailleurs, ici aussi, la complexité est limite un objectif en soi pour les patron·ne·s, vu qu’elle avantage en fait, comme toujours, ceux qui ont le plus de moyens : les entreprises (en particulier les grosses entreprises) peuvent se permettre d’avoir un service juridique dédié, ou d’embaucher des avocat·e·s spécialisé·e·s en droit du travail quand elles en ont besoin, elles ont le budget pour ça, et donc en pratique, la complexité ne les gêne pas vraiment. Par contre, les travailleurs·euses peuvent absolument pas, et iels ont autre chose à faire de leur temps que de le passer à éplucher le code du travail.
Et souvent, la complexité est telle que les travailleurs·euses n’arrivent même pas à savoir avec certitude quels sont vraiment leurs droits, même en passant des heures à étudier des textes de loi ! Et c’est le but évidemment : quand vous ne savez même pas quels sont vos droits, hé bien ça devient beaucoup plus difficile de les faire respecter, bien sûr, et vous risquez beaucoup plus souvent de vous faire entuber par votre entreprise ! Donc il faut bien se rappeler ça : en vrai la complexité des règles avantage presque toujours celleux qui ont de l’argent, et elle est tout à fait intentionnelle.
Et les gens qui font semblant aujourd’hui de dénoncer cette « complexité » du code du travail sont de mauvaise foi, et n’ont pas du tout l’intention de le simplifier, au contraire : iels veulent juste un prétexte pour l’attaquer et le démanteler.
Bon, ça c’était pour les attaques « directes » contre le droit du travail, les plus évidentes. Mais après vous avez aussi pas mal d’attaques contre le droit du travail qui sont des attaques indirectes, dont les effets négatifs sont moins évidents tout de suite, mais bien réels aussi :
Par exemple, quand l’État réduit les moyens de l’inspection du travail, ou que cette inspection est progressivement mise sous tutelle politique et qu’on sanctionne les inspecteurs·trices du travail trop zélé·e·s, ça permet de faire en sorte que le droit du travail soit de moins en moins appliqué dans la pratique, même si son contenu ne change pas.
Autre exemple : tout ce qui est fait pour décourager les gens de prendre des arrêts de travail, même quand iels en ont besoin, comme le délai de carence de trois jours avant d’être payé. Le principe des « jours de carence », si vous ne connaissez pas, c’est que, si vous êtes malade et que vous prenez un arrêt maladie, et donc que vous arrêtez d’aller au travail pendant quelques jours, vous ne serez pas payé·e pendant les trois premiers jours de cet arrêt ! Ce qui est en fait énorme, et à la fin du mois sur un SMIC par exemple, rien que trois jours en moins ça revient à plus d’une centaine d’euros de perte de salaire, donc tout le monde peut pas se le permettre ! Du coup en pratique, ces jours de carence dissuadent plein de gens d’avoir recours à des arrêts maladie alors qu’iels en auraient pourtant besoin !
Dans le même genre et avec les mêmes objectifs, il existe tout un tas de mesures qui visent à décourager les médecins de prescrire des arrêts de travail. Et là aussi les politicien·ne·s manquent pas d’imagination !
Alors, non seulement le principe est déjà dégueulasse de base, puisque le but est de décourager les médecins de prescrire des arrêts de travail, que leurs patient·e·s en aient besoin ou pas, mais en fait c’est doublement dégueulasse, parce que, vu la façon dont c’est fait, ça va en fait toucher d’abord les employé·e·s les plus pauvres et les plus vulnérables !
Parce qu’en fait, la fréquence des arrêts de travail est pas du tout le même selon le type de métier exercé, et selon sa pénibilité : c’est dans les emplois les plus pénibles et les plus dangereux qu’il y a le plus de maladies professionnelles et d’accidents du travail, mécaniquement, et donc c’est dans ces métiers qu’il y a besoin du plus d’arrêts. Ce qui veut dire que les médecins qui prescrivent le plus d’arrêts de travail en moyenne, c’est celleux qui exercent dans des quartiers populaires, habités principalement par des ouvrièr·e·s ou des employé·e·s, donc principalement par des pauvres et des racisé·e·s, là où la pénibilité des emplois est beaucoup plus importante en moyenne que celle des emplois de cadres !
Du coup, c’est ces médecins-là qui vont être ciblé·e·s d’abord et pénalisé·e·s d’abord par cette logique de classement, et donc qui vont être les premièr·e·s à être obligé·e·s de réduire leur nombre d’arrêts de travail prescrits ! Et au final, c’est donc, encore une fois, les travailleurs·euses les plus précaires et qui ont les emplois les plus pénibles qui vont être fait ciblé·e·s en priorité et qui vont en souffrir le plus !
Ici encore le résultat c’est de sacrifier en premier le bien-être et la santé des plus précaires et des plus vulnérables, pour préserver les profits du patronat.
Et puis si tout ça suffisait pas, on a aussi pas mal de lois qui visent à dissuader et à réprimer les luttes sociales (grèves et autres), vu que ce sont ces luttes qui permettent au travailleurs·euses d’obtenir plus de droits et de se défendre contre les politiques antisociales, et évidemment le patronat et l’État n’aiment pas du tout ça. Vous avez comme ça plein lois qui interdisent ou qui rendent difficiles les grèves et toutes formes d'actions collectives efficaces : que ce soit le service minimum, l’obligation de se déclarer gréviste 48 heures à l’avance, l’interdiction de certaines formes de grève (comme les piquets de grève), etc.
Et puis si tout ça ne suffit encore pas, l’État peut aussi envoyer sa police intimider et réprimer les grévistes, y compris avec de la violence extrême quand c’est nécessaire, comme récemment encore les violences policières contre le mouvement des « Gilets jaunes » qui ont fait des centaines de mutilé·e·s, ou, avant ça, la répression violente des manifestations contre la loi « travail ».
Mais malheureusement, ici encore, c’est rien de récent, et c’est loin d’être une nouveauté de la macronie, comme on l’entend parfois venant de gens qui ont la mémoire courte : la police (ou l’armée) qui attaquent des grévistes, c’est vieux comme la grève ! Au XIXème siècle déjà, toutes les républiques et régimes politiques qui se sont succédé se sont relayés pour envoyer la troupe contre les grévistes, y compris quand ça faisait des mort·e·s, et même chose pendant tout le XXème siècle et jusqu’à aujourd’hui, sans discontinuer !
Je ne vais pas approfondir cette question de la répression des mouvements sociaux maintenant, mais j’en reparlerai dans le détail bientôt, vu que j’ai prévu de consacrer un épisode à cette sympathique institution qu’est la police. Mais en attendant, il faut juste savoir que l’État fait tout ce qu’il peut pour dissuader et réprimer tou·te·s celleux qui seraient tenté·e·s de contester l’ordre établi et le capitalisme, parce que c’est dans la continuité de tout ce que j’ai expliqué aujourd’hui : c’est nécessaire pour préserver les profits et les intérêts de la bourgeoisie.