Pour une démocratie directe - résumé

Ce document est un brouillon, en cours de rédaction et destiné à évoluer. Il est susceptible de contenir des oublis ou des erreurs factuelles, et de nombreux passages nécessitent certainement une reformulation ou une clarification, certains arguments pouvant être peu pertinents, ou formulés de manière maladroite.

Pour l’instant, seule la première partie (« Le système électoral n’est pas une démocratie ») est terminée. Les deux autres parties (« Comment organiser une véritable démocratie ? » et « Quels moyens pour y parvenir ? »), en cours de rédaction, aborderont respectivement les questions de l’organisation pratique d’institutions démocratiques, et celles de la transition vers ces institutions.

Table des matières

Introduction
Partie I: Le système électoral n’est pas une démocratie
1. L’idéologie de l’élection
L’élection en pratique
2. L’élection : une contre-méritocratie
L’impossible évaluation de la sincérité
La difficile évaluation de la compétence
La présélection des candidats par l’argent et la cooptation
La sélection par l’argent
La dépendance par rapport aux médias
La cooptation
La reproduction des rapports de domination de la société
La sélection par le pire ?
3. Une élite aux intérêts différents de ceux de la population
Du fait de la non-représentativité de la population
Du fait de la condition d’élu
La rémunération
Le statut spécifique d’élu
La dispense du régime général
Du fait des intérêts électoraux
Des décisions en conséquence de ces intérêts divergents
4. Les médias et l’élection
Les médias au service du pouvoir
L’influence du pouvoir politique sur les médias
Les médias, inféodés au pouvoir économique
Les médias de masse, principaux relais du discours de la classe dominante
Les sondages, des artifices médiatiques
L’influence des médias sur les politiques
L’influence sur l’élection
Le discours médiatique fixe les bornes de l’acceptable
5. La mainmise du pouvoir économique sur le politique
Du lobbying à la corruption
Le lobbying
La corruption
Les conflits d’intérêts
Les réseaux d’influence
Le chantage économique
La majorité des élus concernés par la corruption
Le prolongement du lobbying
Le laxisme face à la corruption
Une dépendance liée à la nature du système électoral
6. Une délégation de pouvoir sans contrôle
L’illusion du choix des programmes
La « sanction » électorale : une illusion de contrôle
Une sanction tardive et imprécise
Une sanction incertaine, même en cas de manquement
Une sanction bien trop faible pour être dissuasive
L’affrontement avec le pouvoir élu comme seul véritable levier politique du peuple
La grève
Le déclin de l’efficacité des grèves
La grève : un levier de contrôle non démocratique
7. Élection, mensonges, et démagogie
Des programmes politiques passe partout, et qui n’engagent pas les candidats
La politique des élus au pouvoir, guidée par l’intérêt électoral
La personnification de la politique
La politique comme spectacle
La dépolitisation massive du peuple
La démagogie et les mensonges : conséquences directes de l'élection et du manque de contrôle
8. Un système politique au service de la classe possédante
Des institutions organisées par et pour les élus
Une politique systématiquement favorable à la classe possédante
Une politique pour le pouvoir économique
Une fiscalité favorable aux hauts revenus
La domination du pouvoir économique remboursée par l’État
La protection du capitalisme
Les attaques contre le droit du travail
La fourniture d’une main d’œuvre bon marché et exploitable
Le chômage, entretenu volontairement
Une justice de classe
La soumission absolue du pouvoir politique au pouvoir économique
9. Le système électoral : une illusion de démocratie
L’illusion des libertés
Le fonctionnement à petite échelle
L’apparence de l’État de droit
L’attribution des défauts de l’élection au peuple et à l’idée de démocratie
10. L’impuissance organisée du peuple
Un problème systémique
L’influence des circonstances sur le comportement individuel
L’inefficacité de l’action individuelle
La défiance envers les organisations de structuration les luttes classiques
11. Le modèle électoral : une impasse
Le scrutin proportionnel : une illusion de pluralisme
Le parlementarisme, une responsabilisation toute relative
Des leviers de contrôle directs insuffisants
La révocabilité des mandats
Le référendum d’initiative populaire et le référendum veto
L’élection, antidémocratique par nature
12. Une dérive autoritaire inéluctable
Une démarche électoraliste
Donner l’impression de l’efficacité
La répression pour préserver et renforcer l’ordre social existant
Affaiblir les libertés publiques pour renforcer le pouvoir
Réprimer et décourager la contestation
L’autoritarisme comme aboutissement naturel de tout État non-démocratique

Introduction→Texte complet

Nos démocraties représentatives traversent une crise profonde.

Les inégalités de revenus et de patrimoine sont de plus en plus importantes, avec une part toujours plus grande des richesses accaparée par un groupe toujours plus réduit d'individus, à mesure que les mécanismes du capitalisme renforcent ces inégalités, enrichissant les plus riches et plongeant le reste de la population dans la misère. Des injustices que les décideurs élus ne cherchent pas à combattre, mais tentent au contraire de renforcer par des lois favorables aux détenteurs de capitaux : toute régulation du capitalisme, telle que le droit du travail, est systématiquement attaquée, de même que les mécanismes de redistribution, les services publics ou la protection sociale.

Pour détourner l’attention des injustices économiques, et protéger leurs bénéficiaires, on désigne des boucs-émissaires et attise la haine : la chasse est faite aux immigrés, les droits humains sont piétinés, et la mise en concurrence de tous devient le seul horizon, au seul bénéfice du capital. Les enjeux écologiques, quant à eux, sont ignorés devant les intérêts économiques immédiats, et la destruction croissante de l'environnement met en danger des populations entières.

La corruption et les mensonges systématiques des politiques, ainsi que l’austérité imposée aux peuples, créent une défiance envers les institutions et une montée de l’extrême-droite et de ses idées. Enfin, la surenchère démagogique mortifère de l’ensemble de la classe politique affaiblit petit à petit les libertés publiques, résultant en des dérives autoritaires de plus en plus inquiétantes.

Nos systèmes politiques sont à l’agonie. Il est urgent de repenser la démocratie. Pour cela, il faut d'abord comprendre pourquoi les élections ne sont pas réellement démocratiques, pourquoi elles nous conduisent inévitablement à l'impasse, et pourquoi et comment elles doivent être remplacées par un autre système politique : une véritable démocratie.

Partie I: Le système électoral n’est pas une démocratie→Texte complet

1. L’idéologie de l’élection→Texte complet

Le système électoral, improprement appelé « démocratie représentative », est aujourd’hui la seule façon envisagée de faire de la démocratie à grande échelle. Il repose sur deux grands principes :

  • la délégation du réel pouvoir de décision à un petit nombre de représentants (le peuple ne peut pas prendre lui-même les décisions) ;
  • et le choix de ces représentants par l'élection, selon différents modes de scrutin.

Ce système repose sur l'hypothèse que l’élection permettrait au peuple de porter au pouvoir ses meilleurs éléments, les plus sincères et les plus compétents, pour décider à sa place. Le peuple choisirait par là l’orientation politique globale à suivre, parmi les programmes proposés par les prétendants.

Ces représentants ne sont incités à mener une politique dans le respect de leurs engagements que par la seule crainte de ne pas être réélus.

L’élection en pratique→Texte complet

Pourtant, le peuple est presque systématiquement déçu par ses élus, qui ne respectent pas leurs engagements, et servent des intérêts privés plutôt que l’intérêt général.

Mais s’il existe un large consensus quant à ces échecs répétés, les critiques qui sont faites aujourd’hui se concentrent largement sur les partis et les élus au pouvoir, mais ne remettent pas en cause le système dans son ensemble.

Au mieux, les améliorations proposées portent sur le mode de scrutin1. Par exemple, par l’élection à la proportionnelle au lieu du scrutin uninominal majoritaire. 1, ou sur l’équilibre des pouvoirs entre les différentes instances élues2. Avec le passage à un régime politique parlementaire. 2, mais le principe de l’élection en lui-même n’est jamais remis en cause.

Or c’est ce principe qui pose problème. D’abord, car le choix des représentants n’est qu’illusoire, et porte invariablement au pouvoir des élus ayant des intérêts incompatibles avec ceux du peuple. Ensuite, car la délégation de pouvoir prive en réalité le peuple de tout réel contrôle sur la politique, et contribue par là à dépolitiser la masse de la population. Enfin, car la prise de décision par un petit nombre de personnes expose celles-ci aux pressions de toutes sortes, et à la corruption.

En pratique, tout système politique basé sur les élections ne servira jamais que des intérêts particuliers, et dérivera systématiquement vers une oligarchie de fait : un système politique où le petit nombre dirige, et impose ses décisions au reste de la population.

2. L’élection : une contre-méritocratie→Texte complet

Le système électoral idéalisé est censé être une méritocratie : un système politique où les plus capables dirigent. Ceux qui gravissent les échelons sont censés être les plus sincères et les plus compétents, filtrés par le choix des militants politiques et des citoyens qui, à chaque étape de la carrière des politiques, désigneraient les plus capables, et excluraient les autres. Mais ce n’est pas le cas en pratique, et au lieu de cela, une autre forme de sélection a lieu, où seuls ceux qui servent la classe dominante sont élus.

L’impossible évaluation de la sincérité→Texte complet

Le premier problème est qu’il est impossible au public d’évaluer la sincérité des candidats. Pour toute élection à moyenne ou grande échelle, l’électorat doit tenter d’estimer la bonne foi de quasi-inconnus, à partir d’informations forcément partielles, comme celles obtenues dans les médias, et déformées par le prisme médiatique.

Or juger de la sincérité d’une tierce personne est en soi un exercice difficile, du fait de l’impossibilité de savoir ce qu’une autre personne pense réellement. Pour estimer la sincérité des différents candidats, l’électorat doit donc se fier à ce que ceux-ci laissent transparaître : leurs discours, le ton de leur voix et les convictions apparentes avec lesquelles ils s’expriment. Mais ces indices ne sont pas un reflet exact de ce que les candidats pensent véritablement et de la réalité de leurs convictions, mais dépendent davantage de leur jeu d’acteur et de leur charisme,

De plus, la sincérité d’une personne peut évoluer avec le temps : quand bien même il serait possible de sélectionner les plus sincères au moment de l’élection, on ne peut garantir que ces personnes le resteront pendant toute la durée de leur mandat, une fois exposées au pouvoir. On attend donc ici du peuple une forme de préscience, d’intuition qui lui permettrait de deviner à l’avance quels candidats sont les plus honnêtes, derrière les apparences et le jeu d’acteur.

La difficile évaluation de la compétence→Texte complet

Il en va de même de la compétence que de la sincérité : il est difficile d'évaluer objectivement la compétence d’inconnus. Le format du débat classique est bien trop court pour donner le temps nécessaire à l'analyse posée et à la compréhension de tous les enjeux de fond, ce qui serait pourtant un prérequis pour se faire une opinion éclairée : les arguments restent pour la plupart sans réponse et ne sont pas analysés, ce qui ne permet pas au public de se faire une idée précise de leur validité.

Et cette difficulté est encore accentuée par la dépolitisation du peuple dans son ensemble, elle-même liée à la délégation de pouvoir : les citoyens, privés du réel pouvoir politique, se désintéressent des questions de fond, et ne disposent pas des connaissances pour juger efficacement. En réalité, lors d'un débat, ce n'est pas la compétence réelle, mais la compétence ressentie qui compte : c'est celui qui sait le mieux donner l'impression qu’il a raison qui convainc le mieux, et c’est donc ici encore le jeu d’acteur qui compte.

La présélection des candidats par l’argent et la cooptation→Texte complet

Mais si la sélection par la sincérité et la compétence échoue, une autre forme de sélection existe, bien en amont des élections.

La sélection par l’argent→Texte complet

Le premier déterminant de cette sélection est le coût exorbitant d'une campagne électorale.

Si le budget d’une campagne ne suffit pas à faire la victoire, il donne un avantage certain en termes de moyens de communication : quantité et qualité du matériel de propagande, opportunités d’organiser des événements de soutien (tels que des meetings), et autres moyens de faire connaître sa candidature et de convaincre. D’autres dépenses inévitables sont autant de barrières à l’entrée, comme le coût de l’impression des bulletins de votes et des professions de foi, à la charge des candidats.

Le financement public des campagnes électorales renforce cette inégalité des armes : le remboursement des frais de campagne ne s’effectue qu’a posteriori, et seulement si le candidat a atteint 5% des voix, ce qui crée un risque économique important pour les candidats. Les candidatures disposant de peu de moyens sont donc défavorisées par rapport aux autres. Cela crée une dépendance des candidats envers le pouvoir économique, et déjà une sélection a priori de ceux qui défendent les intérêts de ce pouvoir, qui recueilleront plus de dons des contributeurs fortunés.

La dépendance par rapport aux médias→Texte complet

Un autre paramètre est la nécessité d'avoir le soutien des grands médias pour gagner une élection, et notamment lors des élections nationales, pour lesquelles l'information du public passe inévitablement par eux. Des candidats ignorés des médias, ou à qui les médias donnent la parole dans de mauvaises conditions, sont largement désavantagés par rapport aux autres.

La façon dont les médias parlent des candidats est également déterminante. L'importance relative accordée aux contradictions des uns et des autres influe également sur la perception de ces candidats dans l'opinion : les médias peuvent insister sur les défauts et les contradictions des uns, tout en ignorant ou en minimisant l’importance de compromissions d’autres.

Or la plupart des grands médias sont largement inféodés au pouvoir économique, y compris les médias publics : celles et ceux qui y disposent du pouvoir de décision sont souvent proches de l’élite économique, du fait de leurs revenus confortables, voire en situations de conflit d’intérêts, par exemple en pratiquant des « ménages »3. Des prestations rémunérées de journalistes qui mettent leur notoriété au service d’entreprises privées. 3, une pratique très répandue4. Documentaire « Les nouveaux chiens de garde », 2012. 4.

La cooptation→Texte complet

La cooptation est la possibilité, pour des responsables politiques déjà en place, de nommer eux-mêmes leurs successeurs ou leurs collègues.

Dans les lieux de pouvoir, tels que les partis politiques ou les institutions, la cooptation est très présente (même si elle n'est pas nécessairement visible), car les responsables déjà en place disposent de nombreux leviers de contrôle sur la désignation de la future élite. Or ces responsables politiques en place souhaitent faire carrière, ou protéger leur place pour conserver les avantages qu'ils ont déjà acquis. Ils utilisent donc les pouvoirs dont ils disposent pour empêcher la progression de ceux susceptibles de remettre en cause leurs intérêts : en pratique seuls ceux qui défendent l'élite déjà en place et partagent ses intérêts graviront les échelons et obtiendront les investitures pour les élections, cependant que ceux qui remettent en cause le statu quo seront marginalisés et écartés.

Le résultat de ces différents mécanismes de présélection est que, au moment des élections, le peuple n’a plus le choix qu’entre des candidatures semblables entre elles, et défendant toutes l’intérêt des élites économique et politique déjà en place, car présélectionnées par ces élites. Le « choix » lors de l’élection est donc largement illusoire, celles et ceux réellement susceptibles de remettre en cause le statu-quo ayant été écartés bien en amont.

La reproduction des rapports de domination de la société→Texte complet

Globalement, le mécanisme de l'élection porte au pouvoir des dirigeants non représentatifs du peuple : certains groupes de la population (pauvres, ouvriers, femmes, jeunes, personnes issues de l’immigration…) sont sous-représentés dans les lieux de pouvoir politique, alors que l’écrasante majorité des élus font partie de l’élite économique (cadres, hauts revenus et hauts patrimoines en général…).

Ce phénomène s’explique d’abord par la cooptation dans les lieux de pouvoir, où les membres des groupes dominants (riches, blancs, hommes…) s’entraident pour assurer leur hégémonie. Mais le principe de l’élection oriente aussi inconsciemment le choix des électeurs, au bénéfice des membres de ces groupes dominants : étant donné l’impossibilité d’estimer correctement la valeur réelle des candidats, il est naturel de choisir pour occuper les postes de pouvoir des personnes dont on considère qu’elles correspondent le mieux à l’image du détenteur de pouvoir. Les membres des groupes dominants de la société correspondent naturellement plus à cette image, et sont donc avantagées dans l’inconscient collectif.

La sélection par le pire ?→Texte complet

Les mécanismes du système électoral créent donc, à toutes les étapes de la carrière des politiques, les conditions d'une sélection par le jeu d’acteur et le charisme, ainsi que par la stratégie et la capacité d’intrigue politique : des talents à l’opposé de ceux que l’on pourrait espérer de bons dirigeants. L'argent et le pouvoir déjà acquis sont à tous les niveaux des avantages pour progresser, et la cooptation favorise la concentration des pouvoirs, la reproduction des élites, et la convergence de leurs intérêts.

L’élection, en tant que mécanisme de sélection des personnes, reproduit largement les rapports de domination qui existent dans la société, tels que la discrimination des plus pauvres, le patriarcat ou le racisme, et implique par là une inégalité structurelle des chances entre les individus pour arriver aux postes de responsabilité.

3. Une élite aux intérêts différents de ceux de la population→Texte complet

Les dirigeants élus, prenant les décisions au nom du peuple, sont censés être représentatifs de ce peuple, et capables de prendre ces décisions dans le sens de l’intérêt général. Pourtant tous les mécanismes du système électoral, depuis la méthode de sélection, jusqu’aux conditions d’exercice du pouvoir, conduisent à ce que les décideurs aient systématiquement des intérêts différents de ceux de l’ensemble de la population.

Du fait de la non-représentativité de la population→Texte complet

Le premier facteur de divergence d’intérêts est la non-représentativité de l’élite par rapport à la population.

Comme on l’a vu, les mécanismes de l’élection portent inlassablement au pouvoir des dirigeants qui ne reflètent en rien la diversité de la population. La composition des organes politiques élus, en particulier les plus importants et au sommet de la hiérarchie politique, reflète au contraire largement les rapports de domination de la société : sélection par l’argent, patriarcat, racisme… Or une élite non-représentative du peuple n’aura évidemment pas les mêmes intérêts que celui-ci.

Du fait de la condition d’élu→Texte complet

La rémunération→Texte complet

De plus, le traitement des élus accentue encore leur divergence d'intérêts avec le reste de la société.

Par exemple en France, la seule indemnité parlementaire des députés et des sénateurs s’élève à environ 5 000€ nets mensuels. À cette première indemnité s’ajoutent tous les autres avantages liés à ces fonctions, dont deux indemnités supplémentaires : l’indemnité de frais de mandat (IRFM, plus de 5 700€ brut mensuels), et un crédit additionnel de plus de 7 500€ par mois, destiné à la rémunération de leurs collaborateurs. Ces deux indemnités sont censées servir seulement à couvrir les dépenses liées à l’exercice de leur mandat, mais sont en pratique peu contrôlées.

Si ce type de sommes ne semble pas démesuré en regard des rémunérations de dirigeants de multinationales, la seule indemnité parlementaire suffit pourtant à placer ces élus parmi les 4% les plus hauts revenus du pays, bien au delà des conditions de vie de l’écrasante majorité de la population, puisque les trois quarts de la population gagnent moins de la moitié de cette somme5. 75% des Français gagnent moins de 2 500€ net mensuels en 2013, le revenu net médian étant 1 770€. 5.

Le statut spécifique d’élu→Texte complet

Le statut d’élu et les condition d’exercice du pouvoir contribuent également à la divergence d’intérêts avec le peuple, car si tout électeur a intérêt à limiter les pouvoirs et les avantages des élus (non-cumul des mandats, transparence, intransigeance contre la corruption, système politique le plus démocratique possible…), les élus ont eux systématiquement intérêt à préserver et étendre leurs pouvoirs et avantages (opacité, règles peu contraignantes sur l’utilisation de l’argent public, indulgence des sanctions pour les corrompus, modes de scrutins favorisant les partis déjà au pouvoir, etc.).

Or les élus votent eux-mêmes les règles de fonctionnement régissant leurs propres postes, ainsi que leurs avantages et leurs rémunérations. Ils ne sont donc pas au service du peuple, mais leurs propres patrons.

La dispense du régime général→Texte complet

Du fait de leur statut spécifique, les élus ne subissent pas les conditions de vie du reste de la population.

Par exemple, l’existence d’un régime de retraite spécifique (et très avantageux) pour les parlementaires fait que ces élus ne partagent pas le régime de retraite général, et n’ont donc aucun intérêt à le défendre. De la même manière, du fait qu’ils ne travaillent pas en tant que salariés, ils n’ont pas besoin de contrats de travail, ni d’un droit du travail protecteur et appliqué de manière impartiale, contrairement au reste de la population.

Les élus n’ont donc pas besoin des protections qui sont vitales pour l’écrasante majorité de la population.

Du fait des intérêts électoraux→Texte complet

Même lorsque des candidats sont en partie représentatifs de groupes discriminés, la nécessité de tenir un discours et de défendre des positions qui plairont à l’électorat et rassureront la classe dominante peut pousser nombre de politiques à mettre de côté les intérêts de leur groupe, ou à les attaquer eux-mêmes. On peut citer l’exemple de la présidente du Front National, Marine Le Pen, attaquant les droits des femmes, et critiquant notamment la parité en politique : il s’agit avant tout de rassurer les hommes (qui sont largement majoritaires dans tous les lieux de pouvoir, et dont dépend en grande partie sa progression politique), quant au fait qu’elle ne menace pas leurs intérêts.

Des décisions en conséquence de ces intérêts divergents→Texte complet

Les mécanismes du système électoral et les règles de fonctionnement des institutions conduisent donc invariablement à ce que les décideurs dans leur ensemble aient des intérêts toujours divergents de ceux du reste de la population durant l’exercice de leur mandat. Les décisions prises ne peuvent que refléter ces intérêts spécifiques. Dans la pratique, les décisions prises dans un système électoral ne servent que les élus qui les prennent, ainsi que le pouvoir économique dont ils dépendent.

4. Les médias et l’élection→Texte complet

Comme on l’a vu, l’influence des médias, et plus particulièrement des médias de masse, sur le processus électoral, et sur la politique en général, ne saurait être sous-estimée. Le rôle des grands médias dans une démocratie est primordial : ils sont l'un des principaux moyens d'accès à l'information pour les citoyens, et façonnent donc en partie l'opinion publique.

Les médias au service du pouvoir→Texte complet

Les médias sont soumis à diverses pressions (notamment politiques), ainsi qu'à des impératifs de rentabilité, qui s'opposent tous à l'exigence d'informer objectivement, et sont à la merci du pouvoir économique. Loin d'être neutres, ils sont au centre des batailles d’influence, et souffrent d'un nombre important de biais, à la fois dans le choix des sujets traités, et dans la façon dont ils sont traités.

L’influence du pouvoir politique sur les médias→Texte complet

Les médias subissent en premier lieu l’influence du pouvoir politique, qui tente de les utiliser à son profit.

Les lois qui régissent les médias sont généralement favorables aux partis au pouvoir : en France, hors périodes d'élections, le gouvernement et la majorité parlementaire se partagent les deux tiers du temps de parole, l'opposition parlementaire, le dernier tiers, quelle que soit la proportion de parlementaires dans ces groupes. Quant aux partis non représentés au Parlement, ils doivent se contenter de la promesse non chiffrée du CSA de « rester attaché » à ce qu'ils bénéficient d'un accès équitable à l'antenne.

Les pressions des gouvernements sur les médias sont fréquentes, et les collusions entre le milieu politique et médiatique nombreuses, comme l’illustre par exemple la remise de la Légion d’honneur à de nombreuses personnalités du monde médiatique.

Les médias, inféodés au pouvoir économique→Texte complet

Le contrôle du pouvoir économique sur ces mêmes médias est plus systématique encore, et ne se limite pas aux seuls médias privés, mais touche aussi largement les services publics.

Les grandes chaînes de télévision ou stations de radio, y compris publiques, sont saturées de personnalités (présentateurs de journaux télévisés, économistes, experts…) aux mêmes intérêts que le pouvoir économique, du fait de leurs revenus confortables, ou en situation de conflits d’intérêts, par exemple à cause des « ménages » qu’elles pratiquent. Bien que méconnus du public, ces ménages sont très fréquents dans la profession6. Documentaire « Les nouveaux chiens de garde », 2012. 6, et des personnalités de premier plan sont concernées, pour des sommes conséquentes : par exemple François Lenglet a donné des conférences pour plusieurs milliers d’euros de l’heure, et Christine Ockrent pour 18 000 euros la demi-journée.

De plus, ces personnalités changent de média régulièrement, dans un « mercato » (marché des transferts) audiovisuel permanent, passant par la radio, la télévision ou la presse écrite, et sont amenées à travailler pour des chaînes et stations publiques comme privées. Ces personnalités sont donc encouragées à ne pas émettre de critiques sur de potentiels futurs employeurs7. « Les nouveaux chiens de garde », 2012. 7.

Quant aux médias privés, leur nombre et leur apparente diversité masquent en réalité des disparités d’audience importantes, et une très grande concentration des plus importants entre quelques groupes industriels et financiers : en France, la quasi-totalité des médias généralistes privés sont ainsi la propriété de moins de vingt grands groupes, et aux États-Unis, 6 corporations contrôlent à elles seules 90% des médias américains.

Les propriétaires de ces médias n’hésitent pas à influer directement sur leur ligne éditoriale, et ceux-ci sont entièrement dévoués à la défense de leurs intérêts.

Les médias de masse, principaux relais du discours de la classe dominante→Texte complet

La parole médiatique est donnée principalement aux membres des groupes dominants, et le point de vue des dominants est donc le principal point de vue diffusé, que ce soit dans des « débats » où la plupart des invités sont d’accord, ou dans la façon dont les informations sont traitées.

Les grands médias se font le porte-parole quasi-systématique de la classe dominante pour tout ce qui concerne les confrontations sociales ou les grèves, donnant par exemple la parole aux seuls usagers mécontents lors de grèves dans les services publics, et non aux grévistes pour expliquer les raisons de leur mouvement. Les termes employés illustrent cette partialité : les médias taisent ou atténuent la violence des groupes dominants par des euphémismes (« bavure » pour parler de violences policières, « reconduites à la frontière » au lieu d’expulsions forcées, « plan social » à la place de licenciements…), et exagèrent la violence des dominés par un vocabulaire tout aussi connoté (« prise d’otage » pour désigner des grèves, « clandestins » au lieu de sans-papiers, etc.).

Le discours médiatique reprend les termes et les analyses de la classe possédante : les impôts seraient trop progressifs et accableraient les riches, le code du travail serait trop rigide, les syndicats trop contestataires, les régimes de retraite ou de sécurité sociale trop protecteurs des salariés, etc.

Les médias diffusent les idéologies visant à justifier le pouvoir des groupes dominants, comme l’idéologie du mérite (les inégalités de richesses seraient justifiées par le mérite des entrepreneurs par rapport au reste de la population), et éviteront de parler de luttes sociales ou de luttes des classes, ou décrédibiliseront ces idées.

Du fait de la concentration des médias, l’unanimisme médiatique et l’absence de contradiction et d’opposition visible face à ce discours donne l’apparence d’un point de vue très répandu dans la population, lui conférant une fausse légitimité, alors que ce point de vue est surtout répandu dans les lieux de pouvoir.

Les sondages, des artifices médiatiques→Texte complet

Les sondages sont une composante du paysage médiatique, car ils sont un contenu facile à produire et à commenter, et qui semble en apparence d'une certaine légitimité, puisqu'il s'agit de transmettre l'opinion du peuple. Mais s'il est légitime de donner la parole aux citoyens, les sondages sont la pire manière de le faire.

D’une part car ils ne sont pas neutres : la formulation des questions, et l’éventail des réponses disponibles, orientent largement les résultats, en présentant un sujet sous l’angle souhaité par le commanditaire du sondage.

Par exemple, la question fermée « Êtes-vous prêt·e à travailler le dimanche pour gagner plus ? », avec le seul choix de répondre par oui ou par non, implique une analyse réductrice du sujet, sous-entendant que le seul moyen d’augmenter les salaires serait de sacrifier des acquis sociaux (tels que le repos dominical). Or si des personnes travaillant à temps plein ne gagnent pas assez pour vivre correctement, le problème pourrait aussi être abordé sous l'angle des salaires trop faibles en général, et de la lutte contre l'exploitation des individus. Mais la forme de la question empêche de poser le problème de cette manière. Les sondés n'ont pas la possibilité d'ajouter des réponses différentes ou de reformuler les questions, ils doivent rester dans le cadre défini pour eux par ceux qui les ont rédigées.

Le coût des sondages réserve leur usage à la classe possédante, qui peut en inonder le paysage médiatique, et les médias ne sont pas non plus neutres lorsqu’ils interprètent les résultats : ils peuvent choisir, parmi la multitude de sondages réalisés, ceux qu’ils souhaitent mettre en avant, et ignorer les autres.

Enfin, du fait du mode d'interrogation qui implique une réponse rapide, et les sondés étant interrogés sur un sujet qu'ils connaissent souvent mal, les sondages appellent une réponse instinctive plus que raisonnée : les sondés n’ont pas le temps d’étudier le sujet et de confronter les points de vue, mais doivent répondre immédiatement. Les réponses seront donc largement le reflet des idées reçues du moment, influencées par le discours médiatique ambiant et les préjugés répandus dans la société.

Pire, les sondages donnent à ces idées reçues, à cette opinion non réfléchie et influencée, une très forte légitimité, car ils sont systématiquement présentées comme la représentation fidèle de la parole du peuple : la principale fonction des sondages est la validation et la légitimation des préjugés de la population, et par là du discours médiatique prédominant, en donnant l’illusion que ce discours émanerait du peuple, quand il n’est que le résultat d’une manipulation.

L’influence des médias sur les politiques→Texte complet

Mais l’influence des médias ne se fait pas que sur le peuple, et les politiques y sont eux-mêmes largement soumis.

L’influence sur l’élection→Texte complet

Les médias de masse sont la première source d’information du public. Comme on l’a vu, ils jouent un grand rôle dans le processus électoral, et sur la perception des candidats par le public. Des candidatures n’ayant pas le soutien des médias, ou devant affronter leur hostilité, sont largement désavantagées, alors que d’autres peuvent être particulièrement protégées ou avantagées.

Cette influence des médias sur l’élection participe donc à la sélection en amont des candidatures, au profit de celles défendant le mieux l’intérêt de la classe dominante, mais elle ne se limite pas à la période préélectorale, et se poursuit durant le mandat, car la réélection des élus et la poursuite de leur carrière dépendent en grande partie de l’image que les médias donneront de leur action politique pendant leur mandat.

Le discours médiatique fixe les bornes de l’acceptable→Texte complet

Un autre facteur d’influence sur les politiques est indirect, par le biais de l’influence qu’ont les médias sur l’opinion publique.

L’unanimisme médiatique et la légitimation du discours de la classe dominante par la manipulation sondagière donne une fausse image de ce que le public souhaite réellement, laissant entendre que la population adhérerait largement au point de vue des groupes dominants. Ce discours parait faire un tel consensus que, même s’il ne convainc pas totalement le public, il fixe inconsciemment les limites de l’acceptable : les politiques qui s'éloigneraient trop de ce discours seraient immanquablement perçus par une partie du public comme trop radicaux, et décrédibilisés.

5. La mainmise du pouvoir économique sur le politique→Texte complet

Au delà de la seule divergence structurelle d’intérêts avec le peuple, les élus sont également soumis au pouvoir économique pendant leur mandat. Les facteurs de dépendance sont multiples, et certains ont déjà été abordés plus haut, tels que la dépendance aux médias de masse ou le financement des campagnes électorales.

Le financement des campagnes électorales crée une première dépendance des partis politiques et des candidats aux détenteurs de capitaux, et son importance est illustrée par l’ampleur des sommes en jeu. Ainsi, aux États-Unis, les campagnes des deux principaux partis pour la seule année 2012 ont coûté en tout 6 milliards de dollars. Étant donné l’ampleur des sommes en jeu et l’importance du financement dans la course électorale, les candidats et partis ne peuvent qu'être dépendants de ces contributeurs.

Le contrôle des médias participe aussi à l’emprise du pouvoir économique : la possibilité d’insister ou non sur les scandales et les contradictions des uns et des autres, et sur les aspects positifs ou négatifs des bilans de chacun d’eux, est une arme pointée en permanence sur les politiques.

Du lobbying à la corruption→Texte complet

Le lobbying→Texte complet

Le lobbying est le fait pour des entreprises de tenter d’influencer les décisions prises par le pouvoir élu afin que celles-ci aillent dans le sens de leur intérêt.

Les groupes d’intérêts disposent de ressources suffisantes pour engager des lobbyistes à temps plein, qui entretiennent des relations constantes avec les décideurs élus. Ils sollicitent ces élus en permanence pour les inciter à faire des choix dans le sens de l’intérêt de leurs employeurs, allant souvent jusqu’à proposer directement textes législatifs pré-rédigés, tels que des amendements, que les élus n’ont qu’à reprendre et à valider.

Le procédé est massif et très fréquent, comme en témoigne par exemple en 2015 la proportion d’amendements au projet de loi Macron issus du lobbying (plus des deux tiers des 3 194 amendements présentés étaient issus des suggestions du Conseil supérieur du notariat), et le nombre de députés ayant porté ces amendements (174 députés, sur un total de 577).

L’opacité qui entoure le lobbying empêche d’avoir une vision globale du phénomène, mais certains chiffres connus donnent une idée de son ampleur : ainsi, la ville de Bruxelles, où se situent les principales instances législatives européennes, serait le deuxième pôle mondial de lobbying après Washington, et abriterait entre 15 000 et 30 000 lobbyistes à plein temps (pour une population d’environ 168 000 personnes), l’industrie du lobbying y pesant plusieurs milliards d’euros. Mais les institutions européennes sont loin d’être les seules concernées : le lobbying se fait naturellement au plus près des lieux de pouvoir, là où il sera le plus efficace, et tous les lieux de prise de décisions politiques sont touchés, en proportion de leur importance politique plus que de tout autre facteur.

La corruption→Texte complet

Les intérêts en jeu sont si importants que tous les procédés sont employés pour obtenir des résultats, y compris la corruption.

Plus encore que pour le lobbying, l’opacité qui entoure la corruption ne permet pas de connaître l’ampleur réelle du phénomène. Si certaines affaires de corruption apparaissent au grand jour, elles ne représentent en réalité qu’une petite partie de l’ensemble.

Des tentatives de démontrer la corruptibilité des politiques ont parfois lieu, comme lorsque des journalistes se font passer pour des lobbyistes et réussissent à piéger plusieurs élus, mais ces tentatives ne peuvent pas donner une vision globale du phénomène, car elles ne peuvent piéger que les élus les moins prudents.

L’essentiel de la corruption ne se pratique qu’entre des personnes ayant déjà établi une relation de confiance : il faut des lobbyistes connus, dont il est facile de vérifier qu’ils travaillent véritablement pour les entreprises qu’ils prétendent représenter, et fréquentant régulièrement les élus concernés, avant que ceux-ci ne se risquent à accepter le versement de sommes (ou d’autres avantages) qui pourraient les trahir.

Il serait donc difficile de piéger la plupart des élus prêts à accepter la corruption (ou déjà corrompus), et le lobbying, qui peut se permettre d’exister au grand jour, est aussi (voire principalement) un moyen d’établir une relation de confiance entre corrupteurs et corrompus.

Les conflits d’intérêts→Texte complet

Tout comme l’élite médiatique, de nombreux élus peuvent également être en situation de conflits d’intérêts pendant leur mandat, c’est à dire toucher une rémunération (ou d’autres avantages) de la part d’acteurs privés, en plus de leur rémunération d’élu. L’opacité empêche ici encore d’avoir une vision globale, mais le procédé est souvent légal, car il est impossible de prouver qu’une situation de conflit d’intérêts influe sur le jugement : les individus concernés prétendront qu’ils sont capables de faire abstraction de leurs intérêts personnels lorsqu’ils prennent des décisions en tant qu’élus.

Nombre de parlementaires exercent ainsi des activités annexes très rémunératrices pendant leur mandat, mais le conflit d’intérêts peut également prendre la forme d’une rétribution différée après la fin du mandat, telle que des reconversions avantageuses dans le privé, ou l’animation de conférences généreusement rétribuées, pour le compte d’entreprises.

De telles situations peuvent difficilement être considérées comme neutres, ou ne risquant pas d’impacter à leur jugement, et il est difficile de penser que beaucoup d’entreprises privées seraient prêtes à rétribuer des politiques à ces niveaux de rémunération sans en attendre de contrepartie.

Les réseaux d’influence→Texte complet

La dépendance du pouvoir politique au capital peut aussi être indirecte, par exemple du fait de la cooptation dans les milieux politiques. L’interdépendance des élus entre eux donne une prise supplémentaire au pouvoir économique : par exemple, un responsable de premier plan corrompu par une entreprise privée peut utiliser ses relations et ses propres moyens de pression (tel qu’un chantage aux investitures) pour obtenir d’autres élus des décisions qui, au final, bénéficieront à l’entreprise, sans que ces autres élus n’aient eux-même négocié avec elle.

Le chantage économique→Texte complet

Un autre levier de pression du pouvoir économique sur le politique est le pouvoir du capital pour nuire à l'économie d’une région ou d'un pays, qui peut être agité pour faire pression sur les élus. Il est ainsi possible de menacer de fuite des capitaux, ou de délocalisations en cas de politique défavorable, et c’est par exemple ce qui avait été fait par l’ERT8. La Table ronde des Industriels européens (European Round Table, ERT) est un groupe de lobbying créé en 1983 et rassemblant aujourd’hui les 49 plus grandes entreprises européennes, situées dans 18 pays de l'UE.. 8, l’un des plus importants lobbys européens, menaçant de délocalisations de masse s’il n’obtenait pas les conditions économiques qu’il souhaitait (dont la création d’un marché unique européen)9. « The Brussels business », film documentaire, 2012 9. Ce lobbying fut couronné de succès, puisque les préconisations économiques du groupe furent largement reprises dans les textes européens.

D’une manière générale, les États sont mis en concurrence par les entreprises pour attaquer la protection sociale ou le code du travail (dumping social), obtenir des politiques fiscales avantageuses (dumping fiscal), ou encore attaquer les normes de santé ou environnementales qui limitent les profits.

La majorité des élus concernés par la corruption→Texte complet

Le fait que seule une petite partie des affaires de corruption soit exposée au grand jour permet de faire passer celle-ci pour exceptionnelle, pour le résultat de mauvais comportements individuels qui n’engageraient pas la classe politique dans son ensemble. Cependant, plusieurs éléments laissent au contraire à penser que la grande majorité des élus sont concernés.

Le prolongement du lobbying→Texte complet

D’abord, car la corruption (au sens large) est le prolongement direct et naturel du lobbying, et la raison de son efficacité.

Le lobbying est largement systématique dans tous les lieux de pouvoir. Sans moyens de pression ou d’influence sur les élus, il ne serait qu’une tentative de les convaincre par la répétition et le matraquage d’un même message, à la manière d’une publicité ciblée. Il serait largement moins efficace, et ne justifierait jamais l’ampleur des moyens employés : c’est parce que l’efficacité du lobbying est en quelque sorte assurée par la corruption (et les autres moyens d’influence existants) que le lobbying est rentable.

Si les élus n’avaient pas un intérêt à suivre les préconisations des groupes d’intérêts, ils n’auraient aucune raison de le faire bénévolement. Ils sont donc naturellement incités à demander des contreparties pour les services qu’ils rendent, ou à ne rendre ces services que s’ils craignent des conséquences négatives pour leur carrière.

De plus, les lobbyistes ne peuvent pas se contenter de corrompre une petite partie des élus : pour être efficaces, ils doivent nécessairement obtenir l’approbation de la majorité des membres de chaque assemblée représentative au moins (50% plus une voix), afin que les lois qu’ils souhaitent soient votées. Sans cela, tout l’argent investi dans le lobbying le serait en pure perte.

Le laxisme face à la corruption→Texte complet

Un autre élément qui confirme que la majorité des politiques y ont intérêt est l’absence de réelle volonté politique de lutter contre la corruption et les conflits d’intérêts.

Tout dans le comportement des assemblées élues témoigne de l’acceptation généralisée de la corruption : les réticences à mettre en place une véritable transparence institutionnelle ; la grande tolérance des élus pour les situations de conflits d’intérêts patentes10. Par exemple, en septembre 2015, la nomination à la tête de la Banque de France de François Villeroy de Galhau, haut responsable pour la banque privée BNP Paribas entre 2003 et 2015, nomination approuvée par les commissions des finances de l’Assemblée Nationale et du Sénat à plus de 80% des voix, malgré une situation de conflit d’intérêts pourtant patente et dénoncée. 10 ; la complaisance avec les personnalités déjà condamnées pour corruption, acceptées lorsqu’elles reviennent en politique ; voire le refus actif d’enquêter sur des affaires de corruption existantes pour protéger les responsables.

Les lois censées sanctionner la corruption sont au contraire organisées pour garantir l’impunité réelle des corrompus11. Par exemple, en France, le délai de prescription très court du délit de corruption (3 ans seulement), empêche nombre de poursuites d’aboutir (ce délai étant calculé à partir de la commission du délit, et non de sa découverte). 11. La justice fait également souvent preuve de clémence dans les condamnations, prononçant rarement des peines de prison ferme, et le manque d’indépendance de l’institution judiciaire par rapport au pouvoir politique12. En France, le parquet, responsable des poursuites, est hiérarchiquement soumis au ministère de la Justice. 12, de même que la lenteur et le manque de moyens chronique de cette institution, sont autant de freins supplémentaires à une lutte efficace contre la corruption.

Ce sont au contraire les journalistes qui révèlent les scandales et leurs sources qui sont victimes de poursuites judiciaires, ou de lois visant à les intimider, comme le projet de directive sur le « secret des affaires ».

Ces éléments montrent qu’au moins la majorité des membres de chaque assemblée sont concernés par la corruption, mais l’absence de propositions de réforme sérieuse, même parmi l’opposition ou les partis minoritaires représentés, laisse supposer que l’ensemble de la classe politique accepte cet état de fait. Bien plus qu’un problème dû à quelques mauvais comportements individuels, la corruption est en vérité un problème qui engage tout le système politique.

Une dépendance liée à la nature du système électoral→Texte complet

La dépendance du politique au pouvoir économique est largement systémique, c’est à dire la conséquence directe de la nature même du système électoral. Cette dépendance est due à deux aspects principalement : le choix des représentants par l’élection, et la délégation de pouvoir à un petit nombre de personnes.

Le choix par l’élection avantage naturellement ceux disposant de moyens financiers importants, et est soumise à l’influence des médias de masse, eux-mêmes au service du pouvoir économique, car ceux-ci sont le principal moyen d’information du public. Étant donné le grand nombre de candidats potentiels pour les élections à grande échelle, l’élection nécessite inévitablement une sélection a priori, qui se fait par la cooptation dans les lieux de pouvoir politique, et favorise donc l’apparition de réseaux d’influence.

La délégation de pouvoir à des représentants permet quant à elle la corruption. C’est le petit nombre de personnes prenant les décisions qui rend le lobbying, la corruption, et les conflits d’intérêts, plus faciles à dissimuler, et surtout rentables. La durée assez longue des mandats permet aux corrupteurs et corrompus d’établir des relations de confiance. Enfin, le fait que les lois régissant les institutions soient votées par ceux qui sont concernés garantit un environnement globalement favorable à la corruption.

6. Une délégation de pouvoir sans contrôle→Texte complet

Au delà de ces aspects, le principe de la délégation du réel pouvoir de décision pose un autre problème : celui de l’absence de véritable levier de contrôle du peuple sur les lois votées et les décisions prises en son nom.

L’illusion du choix des programmes→Texte complet

Une des thèses de l’élection est que le peuple pourrait décider indirectement de la politique menée, en choisissant parmi les candidats celui dont le projet lui paraît le meilleur. Pourtant, ce choix n’a pas de véritable impact sur les politiques menées.

D’une part, les projets disponibles sont peu nombreux et souvent semblables entre eux, du fait des intérêts communs de l’ensemble de la classe politique.

De plus, la durée importante des mandats est peu propice à l’établissement de programmes complets, et favorise plutôt les projets politiques vagues et constitués de grandes orientations relativement floues. Une durée aussi longue ne permet au peuple qu’un contrôle très épisodique sur la politique menée : il ne peut changer d’avis en cours de mandat, mais doit attendre la prochaine échéance électorale.

Le vote est imprécis à cause de la nature même de l’élection et de la délégation de pouvoir : le peuple ne peut pas décider loi par loi et amendement par amendement, mais doit se contenter de voter pour des grands projets qui englobent de nombreux sujets différents, et donc faire des compromis. Le peuple est obligé d’accepter un grand programme dans sa globalité, plutôt que de choisir loi par loi la politique menée.

L’expressivité du vote est donc limitée, et avec elle le contrôle.

La « sanction » électorale : une illusion de contrôle→Texte complet

Une fois l’élection passée, le seul levier de contrôle du peuple sur ses élus prévu par les institutions est un levier indirect : la sanction électorale. Les élus ne sont incités à mener une politique dans le sens de l'intérêt général et à tenir leurs engagements que par la seule menace de non-réélection : le peuple ne dispose pas d'autre moyen de sanctionner ceux qui ne respectent pas leurs engagements que d’attendre la fin de leur mandat et de ne pas les reconduire dans leur fonction.

Pourtant on constate, mandats après mandats, l'inefficacité de cette seule méthode.

Une sanction tardive et imprécise→Texte complet

L’inefficacité de la sanction électorale tient d’abord à son imprécision : la seule possibilité pour le peuple de reconduire une majorité ou de la sanctionner ne lui permet pas d'envoyer un message explicite et détaillé. Il ne peut pas préciser par exemple les lois avec lesquelles il est en désaccord, ni pourquoi, et une même sanction électorale peut être interprétée différemment selon le point de vue et les buts de chacun.

De plus, le caractère tardif de la sanction fait que, lorsqu’un pouvoir élu trahit ses engagements, le peuple ne peut le sanctionner immédiatement, mais doit laisser ce pouvoir devenu illégitime mener une politique contraire à sa volonté pendant des années. La sanction électorale, tout comme le choix de la politique menée, ne donne donc au peuple aucun contrôle en dehors des périodes électorales : entre deux grandes élections, les élus sont libres et ne rendent pas réellement de compte.

Une sanction incertaine, même en cas de manquement→Texte complet

De plus, quand bien même le pouvoir en place déçoit, la sanction électorale n'est pas toujours garantie pour autant, car la possibilité de sanctionner ou de reconduire le pouvoir en place n'est pas un choix indépendant des autres choix du scrutin, mais est lié au choix de la politique à mener, et à la nécessité du vote stratégique. Le nombre d'alternatives étant limité, il peut être rationnel de voter à nouveau pour un pouvoir qui a déçu si l'électorat considère que les autres choix disponibles sont pires encore.

Ces paramètres sont bien connus des élus, qui tentent d’en tirer parti pour réduire l’impact du vote sanction.

La sanction n’étant pas certaine à l’avance, celle-ci n’est pas réellement dissuasive, et les dirigeants font montre d’un optimisme déraisonnable, se persuadant qu’ils pourront y échapper par leur habileté. Le fait que cette sanction ne puisse se faire qu’à échéance fixe encourage également les calculs du pouvoir en place : il faut plaire au peuple (ou être le choix le moins pire) au moment du vote, et à ce seul moment.

De plus, comme on l’a vu, l’issue de l’élection dépend en grande partie de paramètres tels que le comportement des médias de masse, et donc de l’attitude du pouvoir économique. Pour assurer leur réélection, les dirigeants élus considèrent donc naturellement qu’ils ont plus besoin du soutien du pouvoir économique, que de mener une politique véritablement dans l’intérêt de l’ensemble de la population.

Une sanction bien trop faible pour être dissuasive→Texte complet

Enfin et surtout, même lorsqu'elle a lieu, cette prétendue « sanction » est en réalité dérisoire, trop faible pour intimider réellement les élus : il ne s'agit ni d'une peine de prison, ni d'une amende ou d'une exigence de réparation pour les politiques contraires à l'intérêt du peuple menées pendant le mandat, mais seulement un non-renouvellement du mandat. On croit dissuader les élus de mener des politiques qui servent leur propre intérêt dans l'immédiat par la menace d'une (hypothétique) sanction future, dont la principale conséquence concrète est qu'ils ne seront alors plus en position de servir leur propre intérêt. Cela ne peut donc être dissuasif.

Enfin, comme on l’a vu, même lorsque la « sanction » a finalement lieu, les candidats battus peuvent souvent se reconvertir dans le privé, mais ce n’est possible que s’ils ont servi les intérêts du pouvoir économique pendant leur mandat. Dans ces conditions, l'intérêt immédiat de l'élu ne peut que primer sur son intérêt de long terme, et en réalité, les élus ont systématiquement intérêt à servir le pouvoir économique, et à espérer échapper par leur habileté à la sanction électorale le plus longtemps possible, plutôt que de tenter de servir le peuple.

Le seul moyen de contrôle du peuple sur ses élus prévu par les institutions, la « sanction » électorale, est donc largement inefficace.

L’affrontement avec le pouvoir élu comme seul véritable levier politique du peuple→Texte complet

Cette absence de réel moyen de contrôle institutionnel n'empêche pas des citoyens de tenter d'influer sur le vote des lois et sur les décisions prises par leurs représentants, par exemple par le biais de pétitions, ou de courriers adressés aux élus pour les influencer. Néanmoins ces tentatives sont, globalement, vouées à l'échec, car elles ne sont pas légalement contraignantes pour les élus, mais ne peuvent que faire appel à leur bonne volonté.

Il existe enfin un dernier levier de contrôle, qui lui fonctionne dans une certaine mesure, même s'il n'est pas prévu ou considéré comme tel dans les institutions, bien au contraire : le rapport de force et l’affrontement avec le pouvoir politique.

La grève→Texte complet

Cet affrontement prend le plus souvent la forme de mouvements sociaux et de grèves. C'est en effet à force de grèves, et de luttes sociales au sens large, que la plupart des avancées sociales ou démocratiques ont pu être obtenues par le passé.

Ce rapport de force avec le pouvoir politique est nécessaire parce que celui-ci ne défend pas spontanément l’intérêt du peuple, car il défend systématiquement les intérêts de la classe dominante. En réalité la grève n’est rien d'autre qu’un levier de contrôle pour le peuple : un moyen de forcer un gouvernement et une majorité politique à mener une politique qu’ils n'auraient pas menée naturellement d’eux-mêmes, car elle n’est pas dans leur intérêt.

Si les grèves fonctionnent, c’est parce qu'elles impliquent deux choses. D'abord, une sanction économique immédiate pour le patronat de la part du peuple (par l'arrêt de la production de richesses, voire la paralysie de l'activité économique), mais également une menace pour le pouvoir en place : celle de révoltes, ou même d'une révolution.

Ce sont ces craintes qui ont par le passé permis aux combats syndicaux d'aboutir, et c’est ce rapport de force permanent avec le pouvoir qui détermine l’orientation des politiques menées, et oblige celui-ci à faire des compromis et à admettre diverses avancées démocratiques et sociales afin d’acheter la paix sociale, et le dissuade d’attaquer les libertés fondamentales.

Le déclin de l’efficacité des grèves→Texte complet

Ces dernières décennies, les manifestations et mouvements sociaux ont de plus en plus rarement porté leurs fruits.

L’efficacité des grèves dépend de leur ampleur et de leur durée potentielle, et de la détermination des grévistes à aller jusqu’au bout pour obtenir satisfaction. Or, en période de précarité et de chômage généralisés, faire grève représente un coût et un risque importants pour les employés, ceux qui peuvent se mobiliser dans la durée sont donc de moins en moins nombreux. L’automatisation de la production rend les travailleurs facilement remplaçables, et le faible coût de la main d’œuvre peut permettre au patronat d’embaucher temporairement d’autres salariés pour remplacer les grévistes et amortir les effets de la grève.

De plus, la concentration du capital permet à l’actionnariat d’éponger les pertes subies dans une entreprise ou dans un secteur d’activité en grève grâce aux bénéfices générés par les autres entreprises qu’il contrôle, sauf en cas de grève générale touchant tous les secteurs. Pour réduire le risque de grèves générales, le pouvoir étale dans le temps les attaques contre les travailleurs, en attaquant tour à tour différents secteurs d’activités, et utilise divers stratagèmes (tels que les campagnes de dénigrement médiatique) pour tuer la solidarité entre les différentes composantes de la classe ouvrière.

La naïveté ou les compromissions des principaux syndicats nuisent également à l’efficacité des mouvements sociaux : ces organisations entraînent les travailleurs à faire des grèves inefficaces (journées de mobilisation ponctuelles), et n’entretiennent pas une solidarité de tous les travailleurs entre eux, mais jouent au contraire le jeu du pouvoir et de la division des luttes.

La classe dirigeante est également avantagée par la lourdeur des grèves, et la difficulté pour les grévistes de coordonner des mobilisations de grande ampleur sur le long terme. Elle peut jouer sur le calendrier des négociations afin de gagner du temps et de laisser le mouvement de grève s’essouffler. Le cadre légal contraint également l’efficacité des grèves, et certains types de grèves ou certaines pratiques trop efficaces peuvent être rendues illégales.

La grève : un levier de contrôle non démocratique→Texte complet

La grève est donc insuffisamment efficace en tant que levier de contrôle sur la politique.

Mais c’est aussi un levier de contrôle non satisfaisant, car il n'est que partiellement démocratique. Son efficacité ne dépend pas seulement du rapport entre le nombre de personnes souhaitant une politique et le nombre de personnes en souhaitant une autre (rapport de force démocratique), mais dépend également d'autres facteurs, en particulier du rapport de force économique entre employés et employeurs, au désavantage des employés. La grève est de ce fait inégalitaire par nature.

La grève nécessite systématiquement un sacrifice (de salaire) pour les employés, ce qui est inacceptable pour un levier de contrôle sur la politique, et son efficacité n’est pas garantie, ce qui crée une incertitude et décourage les participants. La lourdeur des grèves avantage systématiquement le pouvoir centralisé, qui peut utiliser nombre de stratégies pour les décourager.

Enfin, la grève ne gêne pas seulement le pouvoir en place, mais a d’autres conséquences néfastes, par exemple sur l’économie globale, ou en gênant ceux qui ne souhaitent pas (ou ne peuvent pas) faire grève à un moment donné, tels que les usagers des services publics.

La grève n’est donc pas un levier de contrôle satisfaisant sur la politique. Si des grèves correctement organisées et très suivies peuvent être redoutables, elles impliquent alors bien souvent de bloquer complètement les usines afin d’empêcher la production des richesses, ce qui peut être rendu illégal par le pouvoir politique, de même que la plupart des stratégies de grèves efficaces. La grève peut, et doit, être utilisée dans le cadre des systèmes électoraux actuels, non-démocratiques, car elle est le seul moyen de pression efficace du peuple sur ses représentants, mais elle ne peut être que comme une solution temporaire, et comme un moyen dans l’objectif d’une transition vers une véritable démocratie.

7. Élection, mensonges, et démagogie→Texte complet

Les mécanismes de l’élection précédemment évoqués et l’absence totale de contrôle du peuple sur ses représentants transforment la politique en une simple compétition pour les postes. Alors que les intérêts des élus convergent avec le temps, les mandats deviennent de plus en plus attrayants d’un point de vue personnel. La politique devenue un plan de carrière à part entière, le premier but des politiques devient l’arrivée et le maintien au pouvoir, à n’importe quel prix.

Des programmes politiques passe partout, et qui n’engagent pas les candidats→Texte complet

L'absence de tout réel moyen de contrôle ou de sanction du peuple sur ses représentants fait que les candidats ne se sentent pas engagés par leur programme et leurs promesses, et considèrent qu’ils n’auront pas réellement de comptes à rendre. La plupart des candidats savent aussi, avant même d’être élus, qu’une fois au pouvoir, ils serviront leurs propres intérêts et ceux du pouvoir économique, au détriment du peuple. Dès le départ, ils savent donc qu’ils ne tiendront pas leurs engagements, et n’accordent à ceux-ci aucune importance.

Leurs programmes et leurs discours ne sont alors plus que le reflet de ce qu’ils pensent que le peuple veut entendre, et ne sont plus motivés que par la seule volonté de maximiser leurs chances dans la compétition électorale : le contenu des programmes est dicté par des considérations marketting, et les politiques s’inquiètent plus de plaire que de formuler des propositions constructives. La volonté de plaire des politiques les conduit à scruter les sondages d'opinion et à adapter leurs discours au gré de l'évolution de l'image qu'ils se font de l'opinion, et conduit à une uniformisation progressive des programmes et des discours politiques.

N’ayant pas l’intention de tenir leurs engagements, les candidats et partis qui ne sont pas au pouvoir peuvent promettre des mesures qu’ils ne prévoient pas de mettre réellement en œuvre, y compris des mesures qui iraient contre leur propre intérêt.

La politique des élus au pouvoir, guidée par l’intérêt électoral→Texte complet

La politique des élus une fois au pouvoir est elle aussi principalement orientée vers leur intérêt électoral : les élus orientent leurs choix afin de servir au mieux leur réélection, souvent par des calculs stratégiques très éloignés de l'intérêt général.

Le caractère épisodique du contrôle par le peuple encourage les élus à mener des politiques court-termistes, par exemple prendre les mesures les plus impopulaires en début de mandat, réservant les mesures qui plaisent pour la fin. Le système électoral est de ce fait particulièrement inadapté aux prises de décisions sur le long terme, les politiciens s’inquiétant peu de ce qui se passera plusieurs années après la fin de leur mandat.

Pour tout ce qui concerne les institutions, les lois sont souvent votées pour assurer le maintien de la majorité en place, par exemple grâce à des redécoupages électoraux arbitraires, ou via la mise en place de systèmes électoraux favorisant le bipartisme (et donc l’inertie électorale en faveur des partis établis).

Pour se maintenir aux responsabilités malgré une politique qui déçoit presque systématiquement (car invariablement dans l’intérêt de la classe dominante), les partis au pouvoir usent de toutes sortes d’artifices rhétoriques pour détourner l’attention et la colère du peuple, et se dédouaner de leur responsabilité. Ils montent en épingle des sujets secondaires, jusqu’à en faire des sujets centraux (tenues et pratiques religieuses, identité nationale, polémiques diverses), au détriment des problèmes de fond, et attisent la haine contre les minorités.

La personnification de la politique→Texte complet

La convergence des intérêts des candidats conduit à une uniformisation des offres politiques disponibles et des programmes électoraux, car ceux-ci sont de manière croissante le résultat d’un processus marketting similaire : observation permanente des sondages et adaptation des programmes en conséquence, reprise des thèmes de l’adversaire dans une logique de triangulation, course au centre afin de maximiser sa base électorale et gêner l’adversaire… L’uniformisation des programmes et le manque de réelle différence des partis et des candidats entre eux entraîne pour eux une nécessité de se différencier de leurs concurrents. En l’absence de différence de fond, ce sont la personnalité et les qualités personnelles supposées qui sont mises en avant.

Les médias ne font preuve d’aucun recul face à la communication politique, et débattent sur la popularité, sur la capacité ressentie de telle ou tel à occuper un poste, ou sur les chances de réussite de chacun ; la vie privée des politiques est étalée, les champions se font désirer, et on finit par leur accorder un statut fou de sauveur potentiel de leur camp politique en difficulté. Ces mises en scène nourrissent l'attente illusoire de femmes ou d'hommes providentiels, de héros politiques, et de moins en moins de temps est consacré aux débats d'idées.

Cette personnification est particulièrement visible à l'Assemblée Nationale, car contrairement au Sénat, les députés sont eux élus au suffrage direct par la population. Ils ont donc intérêt à faire parler d'eux, en créant s'il le faut des polémiques artificielles, en surjouant l'indignation et la colère, et en se présentant comme portes-drapeaux de leur propre camp. Étant donné le nombre de députés, tous ne peuvent pas obtenir du temps d’antenne : les médias ne parleront que de ceux qui se font remarquer d’une manière ou d’une autre. Ainsi l'on voit des députés d'accord sur le fond s'invectiver pour des détails pour mobiliser leur propre électorat et obtenir l'attention des médias, à la manière des polémistes.

La polarisation des débats exacerbe le sentiment d'appartenance à un camp au sein de l'électorat, sentiment qui n'est pas propice au raisonnement objectif.

Cette personnification de la politique est liée naturellement à la forme de l’élection, car ce sont pour des personnes ou des groupes de personnes que l’électorat est amené à voter.

La politique comme spectacle→Texte complet

La politique devient alors un spectacle, où il est nécessaire de faire parler de soi par tous les moyens. Les candidats s’attaquent et se répondent à coups de propositions « chocs », comme la proposition de taxe à 75% de François Hollande pendant la campagne présidentielle de 2012, qui a été largement pensée comme un coup marketting visant à faire parler en créant une polémique, plus que dans une véritable logique de recherche de cohérence fiscale.

La même préoccupation du spectacle politique transparaît dans tous les actes des politiques, car le spectacle permanent est nécessaire pour obtenir l’attention des médias. Les meetings politiques rassemblant un nombre très important de personnes (plusieurs dizaines, voire centaines de milliers), afin de donner l’impression d’un soutien massif à un candidat ou un parti, mais dont l’organisation dépend plus du budget dudit parti que d’un réel soutien populaire, font aussi partie de ce spectacle.

La dépolitisation massive du peuple→Texte complet

La dépolitisation du peuple, souvent déplorée, est en réalité la conséquence directe du système électoral et de la délégation de pouvoir.

Le désintérêt pour la politique est d’abord dû à la médiocrité de la classe politique en général, à la limitation du choix des électeurs à des offres politiques similaires, et à la personnification de la politique déjà abordée, qui conduisent à des débats creux et non informatifs.

Surtout, la délégation du pouvoir relègue le peuple à un rôle de spectateur de la politique, c’est à dire un rôle inactif. Les décisions étant prises par d’autres, et le peuple n’ayant aucun réel moyen de contrôle sur ces décisions, il n’a pas de raisons de s’intéresser aux questions de fond : le caractère ponctuel des leviers de contrôle, une fois tous les cinq ans, n'est absolument pas suffisant pour politiser les citoyens.

La délégation de pouvoir s’accompagne d’ailleurs d’une infantilisation du peuple et d’une injonction à laisser la prise de décision sérieuse à des professionnels. En plus du travestissement de la réalité par les médias, la politisation de la masse est découragée par la complexité artificielle des lois, qui sert la classe dominante et décourage la masse de la population de s’y intéresser.

De fait, toute délégation de pouvoir, même avec contrôle du peuple sur les représentants (par exemple via la révocabilité des mandats), implique inévitablement une certaine dépolitisation. La « démocratie représentative », entièrement basée sur la délégation, en privant le peuple de tous les leviers de contrôle politique, et en le traitant comme un enfant incapable de décider autre chose que le choix de ses maîtres, est la principale raison de la dépolitisation massive de la population.

La démagogie et les mensonges : conséquences directes de l'élection et du manque de contrôle→Texte complet

Le peuple est fréquemment rendu responsable de la politique mené par ses élus, et accusé de naïveté pour la démagogie et les mensonges de ceux-ci : il serait vulnérable à la flatterie, et plus susceptible de céder à ses passions et aux émotions, plutôt qu’à la réflexion. Cette infantilisation justifie le supposé besoin d'une élite éclairée pour le guider et le protéger de ses bas instincts, ce qui constitue un des principaux arguments en faveur de l’élection et de la délégation de pouvoir.

Or, l’élection est au contraire le pire choix de ce point de vue. D’une part, car elle est le premier mobile de la démagogie : l’élection crée la possibilité d’arriver au pouvoir par le discours et la verve, encourageant les mensonges et la manipulation. Dans la pratique, la démagogie vient d’ailleurs bien des élites, et non du peuple. D’autre part, car si cette démagogie fonctionne et trouve un certain écho parmi la population, c’est principalement dû à la dépolitisation massive du peuple, elle-même une conséquence directe de la délégation de pouvoir.

La démagogie est donc largement la conséquence du système électoral.

8. Un système politique au service de la classe possédante→Texte complet

La mainmise du pouvoir économique sur la politique, et l’absence de tout moyen de contrôle politique pour le peuple font de l’État un outil au service exclusif de la classe dominante. En réalité, derrière les apparences de démocratie qu’il tente de préserver, le système électoral est entièrement consacré à sa propre préservation et à la défense des intérêts du pouvoir économique.

Des institutions organisées par et pour les élus→Texte complet

Les lois régissant le fonctionnement des institutions étant votées par les élus eux-mêmes, ceux-ci peuvent organiser les institutions dans leur intérêt, et n’ont pas de véritable limite pratique au pouvoir qu’ils peuvent acquérir : les quelques contre-pouvoirs existants ne peuvent qu’être inefficaces, car ils sont conçus par le pouvoir élu lui-même, pour ne jamais le gêner.

Dans la compétition électorale, ceux déjà en place ont l’avantage par rapport aux autres, car ils peuvent modifier les règles électorales, pratiquer des redécoupages électoraux inéquitables, ou utiliser les moyens de l’État pour faire leur campagne, et bénéficient de l’illusion de légitimité que leur confère leur position d’élus. La plupart des règles des élections sont donc à l’avantage des partis au pouvoir, telles que les règles fixant le temps de parole politique dans les médias, et c’est aussi pourquoi beaucoup de systèmes électoraux favorisent le bipartisme, par un scrutin uninominal, pourtant l’un des pires d’un point de vue démocratique : ce type de scrutin avantage les grands partis.

L'indulgence systématique de l'institution judiciaire face aux élus ne doit aussi rien au hasard, de même que les lois les exonérant explicitement de devoir rendre des comptes pendant leur mandat (immunité parlementaire ou présidentielle) ou créant des juridictions d’exception plus indulgentes pour les élus, telles que la Cour de Justice de la République.

C’est aussi une des raisons de l’inertie de ces systèmes, et de la difficulté à les améliorer, que ce soit pour ajouter de la transparence ou limiter les pouvoirs et les privilèges des élus, car les élus ne voteront jamais des limitations à leur propre pouvoir s’ils n’y sont pas obligés. Il peut arriver comme on l’a vu que certaines circonstances, et la pression populaire, ou la nécessité d’obtenir une majorité lors d’élections, poussent les responsables à s’imposer des limites, mais il s’agit généralement d’avancées plus symboliques que réelles, qui ne mettent pas en danger le fonctionnement du système : une certaine transparence de la vie politique sans possibilité de sanction par le peuple ne sert à rien, comme le montre l’exemple des sites internet pour surveiller l'absentéisme des parlementaires, qui n’ont pas modifié le comportement des élus.

Une politique systématiquement favorable à la classe possédante→Texte complet

Surtout, l’absence de contrôle du peuple sur ses élus, et la mainmise du pouvoir économique sur ceux-là, garantissent que la politique menée soit systématiquement favorable à la classe possédante.

Le principal du travail législatif des élus consiste largement à promulguer des lois garantissant le statu quo, protégeant les détenteurs de capitaux et préservant les conditions qui leur permettent de s’enrichir : l'État sert avant tout à protéger le capitalisme et la bourgeoisie. Il tient le peuple éloigné du pouvoir politique, et l'empêche par tous les moyens de se politiser, de se structurer, et d'agir.

Une politique pour le pouvoir économique→Texte complet

La quasi-systématicité des lois en faveur du pouvoir économique, à de rares exceptions près, confirme la dépendance du politique au pouvoir économique : régressivité croissante de l'impôt ; indulgence de la justice face à la criminalité financière ; attaques contre le droit du travail, lois qui prohibent ou rendent difficiles les grèves ; larges subventions aux grandes entreprises, juteux marchés publics et favoritisme lors de leur attribution ; démantèlement des services publics et privatisations à bas coûts de ceux-ci, au bénéfice des repreneurs privés ; inaction face à des enjeux tels que la protection de l'environnement, la santé, ou les droits humains, pour ne pas menacer le profit des entreprises privées avec des normes contraignantes…

En réalité, la soumission du pouvoir politique est telle qu’il est pratiquement hors de question pour les élus de mener une autre politique que celle souhaitée par le pouvoir économique, même lorsque celle-ci est très impopulaire.

Une fiscalité favorable aux hauts revenus→Texte complet

L’une des injustices les plus importantes est la régressivité de l’impôt, c’est à dire le fait que les plus hauts revenus payent au total moins d’impôts que le reste de la population, en proportion de leurs revenus. Alors que les inégalités de richesse progressent, du fait de l’accumulation du capital, et que la majorité de la population s’appauvrit dans des proportions inquiétantes, les impôts et prélèvements divers pèsent plus fortement sur les classes populaires et les classes moyennes que sur les classes les plus favorisées. Le poids de l’impôt est de plus en plus transféré des riches vers les pauvres, d’une part par de nombreux prélèvements touchant toute la population (CSG, TVA…), et de l’autre par l’existence de nombreuses niches et moyens légaux d’échapper à l’impôt pour les plus favorisés.

L’injustice de la fiscalité est néanmoins peu visible du fait de sa complexité, soigneusement entretenue par les majorités politiques qui se succèdent au pouvoir, qui réserve la pleine compréhension de l’impôt aux professionnels.

La domination du pouvoir économique remboursée par l’État→Texte complet

Un autre aspect de ces politiques au seul bénéfice des détenteurs de capitaux est le remboursement par l’État lui-même d’une partie des coûts de leur influence politique. Un exemple est le subventionnement des médias privés et de la presse privée, qui bénéficie en priorité aux plus riches propriétaires : les cinq quotidiens nationaux les plus lus, Le Figaro, Le Monde, Aujourd’hui en France, Libération et Les Échos, se partagent à eux-seuls plus de 57 millions d’euros de subventions annuelles, alors que leurs quatre propriétaires (Bernard Arnault, Serge Dassault, Patrick Drahi et Xavier Niel) font partie des premières fortunes françaises, pour une fortune totale cumulée de 76 milliards d’euros à eux quatre13. « On ne prête qu'aux (patrons de presse) riches », Le Canard Enchaîné, le 26/08/2015. 13.

L’influence du pouvoir économique sur le politique lui coûte donc en réalité peu, puisqu’il en fait financer une partie par l’argent public.

La protection du capitalisme→Texte complet

Les mesures favorables à la classe dominante ne se limitent pas aux cadeaux directs, mais comprennent aussi la protection de cette classe dans tous les rapports de force sociaux existants.

Les attaques contre le droit du travail→Texte complet

Le droit du travail est ce qui protège les employés de l’exploitation capitaliste.

Dans des conditions normales de fonctionnement du capitalisme, le rapport entre employé et employeur est naturellement déséquilibré en faveur de l’employeur, notamment du fait de son autorité sur l’employé, mais aussi du taux de chômage élevé, qui lui donne un moyen de pression par la possibilité de mettre en concurrence les candidats entre eux.

Dans cette relation asymétrique, le droit du travail est une protection pour le salarié, afin de compenser la faiblesse de sa position et sa vulnérabilité. Il le protège contre les licenciements abusifs, lui garantit un salaire minimum, limite ses heures de travail, lui donne le droit à des repos, oblige l’employeur à assurer des conditions de travail ne mettant pas en danger sa santé, protège le droit des salariés de s’organiser en syndicats, etc. Le droit du travail est une conquête des luttes sociales, et il bénéficie à l’écrasante majorité de la population, et surtout aux plus précaires.

En démantelant progressivement le droit du travail, le pouvoir politique s’attaque donc à la principale protection du peuple contre l’exploitation et l’injustice du système capitaliste, en laissant la relation employeur-employé redevenir plus inégalitaire, comme elle l’est naturellement dans les conditions d’un capitalisme non régulé. Le pouvoir politique reprend d’ailleurs les termes (compétitivité, flexibilité, etc.), comme les propositions du patronat.

La fourniture d’une main d’œuvre bon marché et exploitable→Texte complet

Au delà des attaques contre le code du travail, l’État a aussi une démarche active d’aide au patronat, notamment par la fourniture de main d’œuvre. Par exemple, de nombreuses subventions, tels que contrats aidés, ne créent pas d’emplois, mais permettent surtout aux entreprises de faire financer par l’État une partie du salaire d’employés qu’elles auraient de toute façon embauchés.

Mais l’État va beaucoup plus loin, puisqu’il va jusqu’à permettre l’exploitation des prisonniers de droit commun, au prétexte de favoriser la réinsertion, donnant aux entreprises accès à une main d’œuvre extrêmement bon marché et docile.

Aux États-Unis, le travail carcéral peut être obligatoire, et se fait dans des conditions sanitaires souvent déplorables ou dangereuses, sans contrôle de l’inspection du travail. En France, bien que le travail en prison ne soit plus obligatoire depuis 1987, il reste dans la pratique indispensable aux détenus les plus pauvres, du fait de l’insuffisance des rations et fournitures, les obligeant à acheter ce dont ils ont besoin, y compris des produits de première nécessité.

Le travail des détenus n’est soumis à aucun contrat de travail, et ceux-ci sont souvent payés à la pièce, pour des salaires effectifs largement inférieurs au salaire minimum en vigueur. La disponibilité de cette main d’œuvre permet au patronat une autre forme de dumping social, afin de tirer les conditions de travail et les salaires de toute la population plus encore vers le bas.

Le chômage, entretenu volontairement→Texte complet

Le chômage est systématiquement présenté comme une fatalité contre laquelle les politiques seraient impuissants. Pourtant, il est le résultat direct des politiques économiques menées : quelle que soit l’analyse que l’on fait de ces causes, leur résolution est donc à la portée des politiques.

Le fait que tous les gouvernements, quelles que soient leur couleur politique ou les personnes qui arrivent au pouvoir, échouent systématiquement à réduire le chômage, confirme que ce n'est pas dû à un manque de compétence. En pratique, la lutte contre le chômage sert surtout de prétexte à toutes les attaques contre le code du travail, présenté comme trop rigide et responsable.

Mais ces politiques sont contre-productives, puisqu’il s’agit bien souvent, d’une manière ou d’une autre, d’augmenter le temps travaillé de ceux qui travaillent déjà (par exemple en réduisant le coût des heures supplémentaires), ou d’augmenter le nombre de personnes présentes sur le marché du travail (en repoussant l’âge de départ à la retraite). Or le chômage est principalement dû à l’automatisation croissante des moyens de production, et au remplacement progressif de la main d’œuvre humaine par des machines : de moins en moins d’heures de travail sont donc disponibles par individu.

Cette diminution inévitable du temps de travail disponible, qui devrait bénéficier à toute la population (par une réduction du temps de travail de chacun, et une augmentation des salaires en conséquence), s’accompagne au contraire d’une volonté politique d’augmenter ce temps de travail, ce qui génère inévitablement plus de chômage. Au lieu de répartir le plus justement possible la réduction du temps de travail parmi la population, on la fait subir aléatoirement à certaines personnes intégralement (via le chômage), alors que ceux qui ont la chance de travailler doivent travailler toujours plus pour les mêmes salaires, et dans des conditions de plus en plus difficiles.

Le chômage est donc un choix politique conscient, dont le seul bénéficiaire est le patronat, car le taux de chômage détermine le rapport de force entre employeur et employé dans la négociation sociale : plus le chômage est élevé, plus le patronat pourra tirer vers le bas les salaires et les conditions de travail.

Une justice de classe→Texte complet

Tous les éléments du système politique, depuis les lois jusqu'aux institutions qui les appliquent (police, justice, administration…) sont organisés pour protéger la classe dominante.

Les lois sanctionnent plus sévèrement la petite délinquance que la criminalité financière ou la corruption, et d’une manière générale, les amendes prévues dans la loi (quel que soit le délit visé) sont souvent dérisoires pour les riches, et très importantes pour le reste de la population. Le coût de faire appel à un (ou plusieurs) avocat(s), de même que le coût d’un procès, sont également des freins à une justice équitable : aller en justice coûte cher, ce qui décourage les plus pauvres.

L’apparente indépendance de l’institution judiciaire n’est qu’une façade, et les magistrats, tout comme les autres responsables, sont corruptibles et soumis à de nombreuses pressions politiques ou à des conflits d’intérêts. Aucun mécanisme ne permet d’assurer une application neutre et sans arbitraire des lois, et la justice est souvent plus sévère envers les personnes précaires, et particulièrement clémente face à ceux qui ont des moyens.

L’arbitraire de la justice est également visible dans nombre de décisions concernant des luttes sociales, où l’institution judiciaire sanctionne les tentatives de faire respecter le droit du travail, et fait preuve d’une clémence particulière envers les entreprises coupables d’abus.

La soumission absolue du pouvoir politique au pouvoir économique→Texte complet

Ces nombreux exemples, loin d’être exhaustifs, montrent à quel point les institutions sont organisées dans l’intérêt du pouvoir économique dans son ensemble, qui dispose d’un contrôle important sur les élus.

Ce contrôle s’explique notamment car les politiques, au plus haut niveau, sont remplaçables (et sont d’ailleurs remplacés lorsqu’ils ont fait leur temps) par d’autres qui appliqueront la même politique économique, alors que la bourgeoisie, elle, reste. Le nombre de prétendants pour les postes de pouvoir, en particulier au plus haut niveau, donne une idée de la concurrence que les politiques se livrent, contrairement à l’élite économique, qui évolue peu sur le long terme.

Les politiques sont donc éphémères et remplaçables, et sont inévitablement impopulaires une fois au pouvoir, du fait qu’ils mènent systématiquement une politique dans leur intérêt et dans celui de la classe dominante, ce qui les place en situation de besoin par rapport au pouvoir économique : les élus, en particulier au sommet de la hiérarchie, ont invariablement besoin du soutien du pouvoir économique, de ses médias, et de ses réseaux d’influence, sans quoi leur carrière ne pourrait durer.

Cette dépendance et cette faiblesse permettent à l’élite économique de mettre en concurrence les politiques, pour obtenir toujours plus d’eux : la bourgeoisie, avec ses moyens importants qui peuvent faire basculer une élection, ne soutiendra jamais que le camp politique qui lui offre le plus, ou qui peut le mieux garantir sa domination sur le long terme. Cette mise en concurrence des politiques pousse les élus dans une surenchère pour savoir qui servira au mieux les intérêts des détenteurs de capitaux, au plus grand bénéfice de ceux-ci.

9. Le système électoral : une illusion de démocratie→Texte complet

La principale force du système électoral pour se préserver est l’illusion qu’il serait une démocratie.

L’illusion des libertés→Texte complet

Cette illusion est entretenue par les libertés dont les citoyens disposent en apparence. La liberté d'expression protège, théoriquement, le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions, et toute personne non satisfaite peut créer son propre parti politique et se présenter aux élections. Les citoyens peuvent aussi se regrouper en associations pour poursuivre le but de leur choix.

Le suffrage universel parfait l'illusion, en donnant à chacun la possibilité de faire un choix à intervalle régulier : même si ce choix n’a aucun effet, il préserve le mirage que le peuple disposerait du pouvoir politique. La concurrence pour le pouvoir entre les politiques est d’ailleurs bien réelle, ce qui peut donner l’impression de véritables différences, même si aucun d’eux ne remettra en cause les intérêts de la classe dominante.

Le fonctionnement à petite échelle→Texte complet

Cette fiction de démocratie est aussi renforcée par le fait que la « démocratie représentative » via l’élection fonctionne relativement bien à petite échelle (par exemple pour élire des représentants du personnel dans une entreprise, ou des élus locaux). Mais c’est un cas particulier qui n’est pas dû au principe de l’élection, et n’est pas généralisable à grande échelle, mais est dû principalement à d’autres facteurs. D'abord au fait que ces mandats ne sont généralement pas des tremplins vers le pouvoir, et éloignent peu l'élu de ce qu'il était avant : ses intérêts restent proches de ceux qu’il représente.

Et surtout, la proximité physique de l’élu avec ses électeurs donne à ceux-ci une possibilité de sanction immédiate sur leur élu (bien que cette sanction ne soit pas prévue par les institutions) : la possibilité d’exprimer leur colère face à l’élu de près, et possiblement avec violence. Ce risque est très dissuasif, en particulier pour des représentants habitant et vivant quotidiennement au contact de leurs électeurs, mais cela ne peut évidemment fonctionner qu’à petite échelle.

L’apparence de l’État de droit→Texte complet

À cela s'ajoutent le fait que les élus soient parfois obligés de faire des compromis pour préserver l’apparence de démocratie. Le plus important est l’État de droit : les gouvernants sont obligés de s'imposer à eux-mêmes des lois et des règles, pour donner le change, et légitimer leur pouvoir. La solennité du cérémonial associé au vote de ces lois préserve l’illusion, de même que les débats qui précèdent le vote de chaque loi ou amendement : le spectacle des débats avec l’opposition parlementaire légitime ce vote, même si cette opposition n’a aucun pouvoir réel, et a en réalité les mêmes intentions que la majorité au pouvoir.

Ce simulacre de démocratie à petite échelle est crédibilisé par l’ajout de quelques lois imposant un peu de transparence et quelques institutions consultatives en partie indépendantes. L’inutilité pratique de ces lois de transparence et des contre-pouvoirs existants n’a que peu d’importance, car c’est leur existence même qui est importante pour donner l’illusion, bien plus que leur efficacité : la transparence n’est pas inexistante, elle apparaît simplement insuffisante, tout comme les contre-pouvoirs. De même, quelques victoires politiques mineures et occasionnelles entretiennent l'illusion de pouvoir obtenir de véritables victoires par la voie électorale (même si ces victoires sont en pratique liées à des circonstances extérieures).

L’attribution des défauts de l’élection au peuple et à l’idée de démocratie→Texte complet

La croyance que nous serions déjà en démocratie est entretenue artificiellement par une propagande omniprésente, où les termes d'élection et de démocratie sont systématiquement présentés comme synonymes. On imprime cette idée dès le plus jeune âge, avec les cours d’« éducation civique » à l'école, et les adultes, très souvent de bonne foi et convaincus eux-mêmes de former de futurs citoyens, font leur possible pour montrer ce qu'ils croient être le bon exemple en emmenant leurs enfants les accompagner lors du vote. Les abstentionnistes ou ceux qui expriment leur colère dans les urnes, par le vote blanc ou le vote extrême, sont culpabilisés et rendus responsables de leur propre impuissance politique.

L'élection ne fait que légitimer en apparence les hiérarchies politiques, légitimer l’existence de décideurs et de sujets. A l’instar des monarques du passé qui légitimaient leur pouvoir en le prétendant de droit divin, car rien n’apparaissait plus légitime dans une société très croyante que la volonté de Dieu, les monarques modernes légitiment le leur par le simulacre de démocratie, puisque rien n’est plus légitime aujourd'hui que la volonté du peuple.

Mais il ne s’agit que d’une illusion, et le seul objet des systèmes électoraux est de faire accepter aux peuples des lois et des décisions qui ne sont aucunement justes, car contraires à ses véritables intérêts.

10. L’impuissance organisée du peuple→Texte complet

Privé du pouvoir politique, et de tout moyen de contrôle sur la politique, le peuple est largement réduit à l’impuissance. Face à l’impossibilité d’agir par le levier politique, des actions individuelles ou collectives sont souvent prônées et mises en œuvre. Malheureusement, si certaines de ces actions peuvent être nécessaires dans l’immédiat, elles ne peuvent résoudre les problèmes sur le long terme, car ne s’attaquant pas à leur cause, et servent au contraire bien souvent de leurre pour détourner du véritable combat.

Un problème systémique→Texte complet

Les problèmes du système électoral sont rarement analysés sous l’angle des mécanismes qui les génèrent, mais bien plus souvent interprétés comme une somme de problèmes individuels.

Cette individualisation des problèmes vise à faire porter leur responsabilité sur une partie des acteurs (les politiques malhonnêtes), et permet de protéger le système électoral dans son ensemble, en évitant la critique de ses mécanismes globaux. Cette même stratégie est utilisée pour protéger d’autres systèmes : l’interprétation du bon et du mauvais capitalisme par exemple, avec les entreprises dites « vertueuses » et supposément productrices de richesses opposées à l’ultralibéralisme ou à la finance « prédatrice », vise à éviter la critique du capitalisme dans sa globalité et dans sa nature même, et à le protéger, en prétendant que seuls ses excès poseraient problème.

Cette individualisation des problèmes, de même que les interprétations complotistes et la volonté de personnifier la domination, sont encouragées par l’opacité des institutions, du lobbying, et de la corruption, mais aussi par la personnification de la politique déjà abordée et l’absence de toute critique systémique dans les médias ou dans le discours politique. Or, si presque tous les politiques se comportent de la même manière, ce n'est pas tant parce qu'ils seraient plus malhonnêtes que la moyenne14. Ils peuvent l’être, mais cela n’a pas un impact significatif sur leur comportement, et s’explique déjà par des mécanismes globaux, tels que la sélection en amont et la cooptation. 14, mais le résultat de mécanismes globaux, et notamment des mécanismes de l'élection et de la délégation du pouvoir déjà abordés.

L’influence des circonstances sur le comportement individuel→Texte complet

L’influence de l’environnement et des circonstances sur le comportement humain est souvent niée ou minimisée. Pourtant le comportement de chaque individu ne dépend pas seulement de son caractère ou de sa personnalité, mais est largement influencé par les circonstances extérieures.

De nombreuses expériences de psychologie démontrent à quel point l’environnement et le contexte extérieur influent sur le comportement individuel. De même, la situation de mise en concurrence, en particulier, modifie largement le comportement des personnes : des individus mis en concurrence (pour un emploi, lors d’un concours…) se comporteront de manière hostile avec leurs concurrents, alors que les mêmes personnes, dans d’autres situations, se montreraient solidaires. Cette mise en concurrence est utilisée par le patronat et la classe dominante pour tuer les solidarités au sein de la classe ouvrière et opposer les travailleurs entre eux.

L’influence des institutions sur leurs membres ne saurait être sous-estimée, car les règles de l’institution créent la situation et l’environnement dans lesquels évolueront ses membres : l’obéissance des soldats dans les structures fortement hiérarchisées (armée, police), s’explique notamment par l’extrême conditionnement et le fonctionnement de ces structures, conçues pour favoriser l’obéissance et faire taire toute volonté discordante, de même que le suivisme des militants dans les partis politiques, par la propagande et le phénomène de pensée unique auxquels ils sont exposés en permanence. Bien que ces deux types de structures soient différentes, la forte hiérarchisation y implique dans les deux cas une déresponsabilisation importante de leurs membres, qui s’habituent à suivre les instructions qu’ils reçoivent sans jamais les questionner ni prendre d’initiative.

Les problèmes du système électoral dénoncés ici sont donc le résultat de mécanismes globaux, bien plus que le fait des individus composant ce système : d’autres personnes agiraient globalement de la même manière à leur place. Ces mécanismes ont une influence bien plus grande que le comportement de chacun des acteurs du système pris isolément, car ils encouragent l’ensemble de ces acteurs à se comporter de la même manière, en récompensant certains comportements et en sanctionnant d’autres.

C’est donc bien sous leur aspect systémique que ces problèmes doivent être analysés et combattus.

L’inefficacité de l’action individuelle→Texte complet

Face au manque de leviers d’action politique, l’action individuelle est souvent prônée, par exemple dans le domaine de l’écologie. Il peut s’agir d’économiser l’eau ou d’acheter des produits ayant une « empreinte carbone » plus faible, ou encore de boycotter certaines entreprises ne respectant pas l’environnement ou les droits humains.

Ces actions sont globalement inefficaces, car elles éclipsent une fois encore les mécanismes globaux déjà évoqués, qui orientent le comportement de la masse des acteurs, et leur aspect systémique, et ne permettent pas de modifier ces mécanismes, mais sous-estiment leur ampleur, et tentent de s’y opposer sans avoir leur force. L’action individuelle détourne donc l’attention des véritables causes des problèmes, en sous-entendant que ceux-ci viendraient du peuple et de l’absence de prise de conscience et d’efforts de chacun. Elle est culpabilisante car elle demande des efforts que tout le monde ne peut pas faire (en terme de budget par exemple, ou de temps passé à s’informer).

Les actions comme le boycott, par exemple, sont largement inefficaces car elles impliquent de faire confiance aux lois du marché, et supposent l’existence d’entreprises plus ou moins vertueuses, alors que le choix d’achat se fait entre des entreprises qui se comportent globalement de la même manière. Ces actions nécessitent des efforts continus de chacun (temps investi pour s’informer, prix payé plus élevé ou produit acheté moins satisfaisant, etc.), et ne peuvent donc être qu’un comportement ponctuel d’une petite partie de la population seulement, largement insuffisant pour avoir un effet concret à grande échelle, car la masse de la population agira conformément à son intérêt et à ses moyens, et achètera les produits qui représentent le meilleur rapport qualité-prix de son point de vue.

Un autre exemple est celui des associations humanitaires qui tentent de lutter contre la précarité, faisant appel au bénévolat et à la générosité individuelle, et dont les moyens sont dérisoires comparé aux mécanismes globaux qui génèrent la pauvreté, qui dépendent des lois régulant le fonctionnement économique de la société. De la même manière, tout affrontement opposant des militants bénévoles avec une structure aux moyens immenses, tel qu’un État, produira des résultats faibles au regard de l’énergie et des efforts dépensés par ceux-ci, d’abord du fait de la disproportion des moyens, mais aussi car l’efficacité des actions militantes dépend du cadre légal en place : si un levier de lutte se révèle trop efficace et menaçant pour le pouvoir (tel que certains types de grèves), l’État a la possibilité de le rendre illégal.

Ainsi, des objectifs qui pourraient être facilement obtenus par le levier politique (par exemple par des lois pour obliger toutes les entreprises à respecter l’environnement et les droits humains, ou des règles économiques différentes, la fin des politiques d’expulsions de sans-papiers, etc.), sont péniblement poursuivis, de manière inefficace et coûteuse, par l’action individuelle.

Certaines de ces actions doivent être poursuivies malgré le cadre défavorable, du fait de l’urgence et des vies en jeu (telles que les actions humanitaires ou l’aide aux sans-papiers par exemple), mais ne doivent être considérées que comme des actions à court terme. Il est primordial de rassembler l’ensemble des militants et bénévoles autour d'un combat commun : celui pour la réappropriation du pouvoir politique par le peuple via l’instauration d’une véritable démocratie, seul moyen de remporter durablement tous les autres combats.

La défiance envers les organisations de structuration les luttes classiques→Texte complet

La plupart des grandes organisations ayant vocation à structurer les combats politiques (syndicats, partis et associations) souffrent d'un important manque de confiance de la part de la population, qui est principalement le résultat du modèle strictement représentatif sur lequel ces structures sont basées. Fonctionnant sur un modèle électoral, ces structures souffrent globalement des mêmes défauts que les institutions : les intérêts des décideurs finissent par diverger de ceux des militants qu'ils sont censés défendre à mesure que ces organisations deviennent plus importantes en nombre de membres, et les mécanismes de reproduction des élites inhérents au système électoral s’y développent inévitablement.

La délégation de pouvoir prive les militants du véritable pouvoir de décision, et les cantonne à un rôle d'exécutants (collage d'affiche, distribution de tracts, etc.).

S’ils peuvent parfois se prononcer sur l'orientation de leur organisation via un vote parmi plusieurs textes d’orientation qui leur sont proposés, ce vote présente lui aussi tous les inconvénients du système électoral : les textes sont très volumineux et vagues, non contraignants légalement pour les responsables, et le scrutin personnifié. Dans la pratique, la plus grande part des militants restent donc dépolitisés, et votent non sur des critères politiques, mais selon un réflexe de suivisme dépendant de la tendance dont ils se sentent proches.

La concurrence entre les syndicats ou partis crée une nécessité de protéger l’organisation, qui freine la critique interne et favorise la culture du secret et l'absence de transparence, entraînant un réflexe de clan qui nuit à l'esprit critique des militants envers leur structure, en même temps qu'ils détruisent l'image de ces organisations à l'extérieur.

Ce manque de démocratie interne est un handicap immense, et ces organisations, aux structures hiérarchisées et corruptibles, deviennent en vérité un obstacle à l’efficacité des luttes sociales.

11. Le modèle électoral : une impasse→Texte complet

Nombre de propositions existent pour l'amélioration des élections, telles que le changement de mode de scrutin, ou la modification des institutions. Pourtant, ces propositions sont largement illusoires, car ne remettant pas en cause le principe de l'élection ni la délégation de pouvoir.

En France, les principales propositions de réformes des institutions, sont la désignation des représentants à la proportionnelle, et le rééquilibrage des pouvoirs politiques en faveur du parlement, afin de réduire le pouvoir disproportionné du président de la république. Dans le meilleur des cas, des leviers de contrôle direct sont évoqués, tels que le référendum d'initiative populaire, ou la révocabilité des mandats, mais même ces améliorations seraient largement insuffisantes.

Le scrutin proportionnel : une illusion de pluralisme→Texte complet

La désignation des représentants du peuple à la proportionnelle, partielle ou totale, mettrait fin au bipartisme, et permettrait aux partis actuellement exclus du pouvoir d'obtenir des représentants et de peser ainsi sur le processus législatif, réduisant le pouvoir et la domination des principaux partis.

Pour autant, croire que ce changement de partis parmi les représentants élus changerait le comportement de l'assemblée législative ou améliorerait drastiquement sa représentativité est naïf. Malgré leurs discours, les représentants venant des partis dits « alternatifs » ne sont pas naturellement plus sincères ou plus représentatifs du peuple que les autres : c'est principalement parce que ces partis ne sont pas des tremplins pour arriver au pouvoir qu’ils ne présentent pas les mêmes défauts que les partis de gouvernement. Mais lorsqu'un parti devient en position d'arriver au pouvoir, il ne peut que subir les mêmes dérives que n’importe quel autre parti de pouvoir : carriérisme, convergence progressive des intérêts des responsables entre eux et avec l'élite économique, luttes d'influences pour les postes et détournement de l'appareil politique interne pour servir les intérêts particuliers des élus.

En réalité, même dans le cadre d'un vote à la proportionnelle, la plupart des mécanismes de l'élection qui conduisent à l'arrivée et au maintien au pouvoir d'élites aux intérêts divergents de ceux du peuple sont préservés, tels que la cooptation, l'inertie politique qui favorise naturellement les partis déjà en place, ou l'influence des grands médias sur le scrutin. La proportionnelle ne permettrait pas l'arrivée au pouvoir de ceux qui en sont aujourd'hui écartés par les mécanismes de l'élection (les femmes, les jeunes, les pauvres…), et ne mettrait pas non plus fin à la professionnalisation de la vie politique, au spectacle politique permanent ou au court-termisme des élus dû aux échéances électorales. Enfin, elle ne mettrait pas non plus fin à la corruption massive, ni à la dépendance du pouvoir politique au pouvoir économique.

Le parlementarisme, une responsabilisation toute relative→Texte complet

Une des critiques récurrentes des régimes présidentiels, tels que le régime de la cinquième République en France, est la concentration excessive des pouvoirs entre les mains d’une seule personne, le Président ou la Présidente de la République. Ses détracteurs proposent d'en faire un régime parlementaire, où le président ne jouerait plus qu’un rôle réduit, et où le pouvoir serait rééquilibré en faveur du parlement, notamment par la possibilité pour celui-ci de renverser le Gouvernement par une motion de censure, ou un dispositif équivalent, si les parlementaires le jugent nécessaire.

Or, si réduire la concentration des pouvoirs est bien une avancée, croire que le parlementarisme y suffirait, et suffirait à responsabiliser suffisamment les décideurs pour améliorer sensiblement leur comportement et les choix politiques faits est illusoire. Dans la pratique, la transition vers un régime parlementaire ne serait qu'un transfert du pouvoir de décision depuis un seul individu n'ayant pas les mêmes intérêts que le peuple (le Président ou la Présidente de la République), vers un groupe d'individus n'ayant pas non plus les mêmes intérêts que le peuple (les parlementaires).

Si les intérêts du Président de la République et des députés sont parfois divergents, ce n'est pas parce que les députés auraient globalement des intérêts plus proches de ceux du peuple, mais à cause de considérations différentes, comme des enjeux électoraux différents, du fait des différences dans les types de scrutins ou leur calendrier par exemple. En réalité, le parlementarisme ne permettrait pas de responsabiliser véritablement les élus, un contrôle par le peuple en dehors des périodes d'élections restant exclu.

De nombreux systèmes politiques dans le monde sont d’ailleurs parlementaires à différents degrés, ce qui n’empêche pas leurs élus de mener la politique souhaitée par la classe dominante.

Des leviers de contrôle directs insuffisants→Texte complet

Dans le meilleur des cas, certaines propositions de rénovation du système électoral comportent des leviers de contrôle direct sur la politique, tels que la révocabilité des mandats, le référendum d'initiative populaire ou le référendum veto.

Tous fonctionnent selon un mécanisme similaire : des citoyens peuvent s'unir au moyen d'une pétition pour forcer la tenue d'un référendum, si la pétition rassemble suffisamment de signatures. Ce référendum peut aboutir soit à la révocation d'un ou plusieurs élus (et la tenue de nouvelles élections), soit à la modification de la constitution dans le sens précisé par le texte proposé au référendum, soit à l'abrogation d'une loi déjà votée ou en cours de discussion par les représentants élus. Ces leviers permettent au peuple d’imposer un certain nombre de choix politiques auxquels ses élus ne peuvent s’opposer.

Malheureusement, bien que témoignant d'une certaine volonté de rapprocher la prise de décisions du citoyen et étant des améliorations concrètes, ces tentatives sont insuffisantes à elles seules, et peu adaptées aux nécessités d'une véritable démocratie.

La révocabilité des mandats→Texte complet

La révocabilité des mandats est censée permettre au peuple de sanctionner les représentants qui ne tiennent pas leurs engagements, et remédier ainsi en partie à l'absence de leviers de contrôle sur les élus, mais présente certains des inconvénients de la sanction électorale, comme le fait d'être soumise à interprétation, même s'il est moins marqué, car la sanction est moins tardive. Elle est également soumise à la polarisation de la vie politique et à l'exigence d'unité d'une majorité : si révoquer un mandat implique de convoquer de nouvelles élections, ceux qui ont porté un élu aux responsabilités ne souhaiteront pas forcément l'en déloger, au risque de voir un élu du « camp » adverse prendre sa place.

Malgré la différence de procédure par rapport à l'élection, les critères de maintien au pouvoir resteront souvent les mêmes que les critères d'arrivée au pouvoir : sélection naturelle par le charisme, l'argent et le pouvoir, dépendance aux médias, et cooptation partielle des élites. L'incitation des élus à faire de la démagogie et à passionner au maximum les débats pour conserver l'adhésion de leur électorat reste donc la même. La révocabilité ne fait pas disparaître les intérêts électoraux et le court-termisme qu'ils impliquent, ni la personnification de la vie politique, car la procédure principale de choix des représentants reste l'élection, et la possibilité de révoquer un mandat continue de mettre l'accent sur les personnes, et non sur les idées.

À cela il faut ajouter une lourdeur de la procédure : le temps nécessaire pour faire signer la pétition, puis celui nécessaire à vérification des signatures par l'administration, et enfin l'organisation du référendum en lui-même prennent généralement plusieurs mois : même si le référendum révocatoire est certes plus rapide que d'attendre la fin du mandat, sa lenteur et sa lourdeur impliquent que cette procédure reste exceptionnelle, et ne soit utilisable en pratique que pour sanctionner les manquements les plus importants.

Le référendum d’initiative populaire et le référendum veto→Texte complet

Des critiques similaires peuvent être formulées face au référendum d'initiative populaire ou au référendum veto : étant des outils très lourds d'utilisation, ils n'impliquent pas continuellement le citoyen dans la vie politique, mais restent essentiellement des leviers de contrôle ponctuels et exceptionnels. De plus, ces deux outils ne permettent au peuple d'exprimer son avis qu'en aval du processus législatif, après qu'une proposition ait été débattue et votée par les élus (référendum veto) ou face à une proposition complète déjà rédigée par d’autres, tels qu’un collectif ou un parti politique (référendum d’initiative populaire).

Ces outils ne peuvent intéresser réellement le peuple à la prise de décision, car la délégation de pouvoir à des élus reste le principe, et le référendum l’exception, l’écrasante majorité des décisions restant le fait des élus, alors que c'est dès la rédaction des lois que l’implication du peuple devrait se faire dans une véritable démocratie.

Les référendums d’initiative populaire souffrent du même inconvénient que les autres référendums, ou que les sondages, de donner un avantage tactique à ceux qui formulent la question. La personne ou le collectif à l’origine de la pétition peut formuler la ou les questions qui doivent être posées à son avantage, ce qui influe largement sur la perception du sujet abordé, et le peuple ne peut reformuler les questions ou choisir d’aborder le sujet différemment. La forme du référendum oriente inévitablement les débats autour la proposition faite, focalisant l’attention sur le seul sujet abordé, qui est souvent une petite partie d’un problème plus large, empêchant par là de prendre du recul.

Ce mécanisme n’encourage pas véritablement le peuple à s’intéresser au fond de la politique ; il favorise donc les réponses moins informées, moins raisonnées et plus instinctives, à l’instar des sondages. Du fait qu’il existe en parallèle d’un système électoral, et seulement pour servir de complément à une prise de décisions réservée principalement aux élus, le référendum n’empêche aucun des inconvénients des systèmes électoraux abordés ici : la dépolitisation de la masse de la population, donc, mais aussi la dépendance des élus au pouvoir économique, la divergence d’intérêts entre les élus et le peuple, la démagogie, la corruption… Le référendum d’initiative populaire n’est pas un contre-pouvoir efficace au pouvoir des élus, car ceux-ci ont l’avantage de leur présence permanente, et de leur meilleure connaissance des institutions : alors que le référendum ne permet au peuple de peser que sur une très faible proportion des textes législatifs, et seulement ponctuellement, les élus votent l’ensemble des lois, et c’est d’ailleurs de leur bonne volonté, et de l’état du reste du droit en vigueur que dépend l’application effective des initiatives votées par le peuple.

L’élection, antidémocratique par nature→Texte complet

Quelle que soit leur forme, les tentatives de mitiger les défauts de l'élection sont vouées à l'échec. L'élection est par nature largement antidémocratique : elle met en lumière puis légitime des personnes plutôt que des idées, et la délégation de pouvoir qui l'accompagne prive systématiquement le peuple de tout contrôle sur la politique, la confiant à un petit nombre de personnes corruptibles et influençables. Plutôt que de choisir la politique qui est menée, le système électoral réduit inévitablement le peuple à la seule possibilité de choisir ses maîtres, sans assurance aucune que ceux-ci agiront dans son intérêt, et avec le seul espoir qu’ils seront meilleurs que les précédents.

Pour que les lois votées et les décisions prises le soient dans l'intérêt réel du peuple, il est nécessaire que celui-ci dispose du véritable pouvoir, ce qui ne peut se faire que par des mécanismes autres que l’élection.

12. Une dérive autoritaire inéluctable→Texte complet

La dérive autoritaire à l'œuvre dans un certain nombre de pays aujourd'hui considérés comme démocratiques, y compris la France, constitue à court terme un véritable danger pour les libertés publiques, et est la conséquence inévitable du système électoral.

Une démarche électoraliste→Texte complet

La première motivation de cette dérive est une fois encore électoraliste.

En attisant les craintes, les politiques créent et entretiennent chez le public un besoin de protection. La peur entraîne des réactions instinctives, car faisant appel à l’instinct de survie (notamment), et est donc un bon moyen de manipulation pour les démagogues. Effrayé, le peuple ne raisonne plus de manière rationnelle, mais sera plus susceptible de suivre ceux qui lui promettent de le protéger.

La peur génère aussi un réflexe d'union derrière l'ordre établi : lors des périodes de crise et d’incertitudes sur l'avenir, on cherche naturellement à s'accrocher à ce qui paraît solide, comme l'autorité perçue comme légitime, ou les idées ressenties comme durables, telles que la nation. L'évocation d'un ennemi à combattre, comme le terrorisme, sert à rassembler une large part de la population, tout en détournant l’attention de politiques impopulaires : face à un danger commun perçu comme plus important que les querelles internes (gauche contre droite, politique sociale contre libéralisme, etc.), on tait ses différences afin de s'unir contre à la menace.

Le repli nationaliste permet de souder autour des élus, puisqu'ils sont les représentants institutionnels de la nation et leur personnification, et l’insistance sur l’idée d’identité flatte l’auditoire, lui faisant croire qu’il appartiendrait à une forme d’élite (la nation, culture, civilisation, etc.) présentée comme supérieure moralement.

La sévérité face à la petite délinquance, ou face à n'importe quel comportement perçu comme frauduleux ou abusif, donne une image d'incorruptibilité et d'intransigeance, et sert à masquer l'inaction face à la délinquance financière ou la corruption.

Donner l’impression de l’efficacité→Texte complet

La dérive autoritaire n’est pas seulement le fait de l’extrême-droite (même si l’extrême-droite y participe), mais de tous les partis, en particulier ceux au pouvoir, qui reprennent ses discours et ses idées dans une surenchère répressive, car il est nécessaire de proposer quelque chose qui semblera efficace contre les menaces brandies. L’attitude face au terrorisme l’illustre parfaitement : les politiques ne pouvant pas avouer à leurs électeurs qu’ils sont impuissants face au terrorisme, ils doivent faire semblant de faire quelque chose, et prennent les mesures les plus drastiques possibles, même si celles-ci sont inutiles, voire dangereuses pour les libertés, pour montrer qu'ils agissent.

D’un point de vue de marketting électoral, faire des propositions ou mettre en place des lois liberticides n’est pas forcément un inconvénient, au contraire : une mesure aura l'air plus efficace, car plus radicale, si elle soulève des cris d'indignation d'une partie de la population, notamment des associations de défense des droits humains. L'idée est que face à une menace (terrorisme, délinquance, etc.), il faudrait frapper fort et être inflexible pour être efficace.

À l'inverse, les choix consensuels donneront l’impression de manquer de vigueur ou de volonté, et ne permettront pas d’obtenir l’exposition médiatique que génèrent les propositions extrêmes. Pour les politiques, l’escalade répressive est donc bien plus rentable électoralement que la recherche pragmatique d’efficacité.

Ces paramètres entraînent tous les partis vers une surenchère de propositions sécuritaires, reprenant souvent celles de l’extrême-droite.

À force d’être repris par l’ensemble de la classe politique, le discours sécuritaire se banalise, ce qui crée pour les politiques une nécessité d’aller toujours plus loin dans la répression pour continuer d’en obtenir les bénéfices médiatiques, rendant la surenchère inévitable.

La répression pour préserver et renforcer l’ordre social existant→Texte complet

Mais la dérive autoritaire n’est pas seulement un dégât collatéral de la seule volonté électoraliste : cette dérive est un objectif pour le pouvoir, afin de préserver l’ordre social et les rapports de domination existants.

Affaiblir les libertés publiques pour renforcer le pouvoir→Texte complet

Les attaques contre les libertés publiques sont un objectif en soi : les libertés publiques protègent le peuple des abus de pouvoir de l’État, et de tout pouvoir centralisé (et non pas des terroristes ni des malfaiteurs, ceux-ci ne respectant de toute façon pas les lois). Toute liberté du peuple s’oppose donc par nature au pouvoir centralisé, et est même une menace pour celui-ci : plus le peuple est libre, plus il dispose de moyens de lutter contre l'oppression et le pouvoir en place, et plus ce pouvoir est donc fragile. La dérive autoritaire est par conséquent structurellement liée au pouvoir centralisé, et découle de la volonté de ce pouvoir de se renforcer et d’assurer sa pérennité.

C'est par exemple la raison pour laquelle Internet est si souvent critiqué, et que les libertés y sont sans cesse restreintes : car il s’agit d’un outil d'auto-émancipation au potentiel immense, permettant une diffusion rapide des idées et de l’information, diffusion difficilement contrôlable par une autorité centrale, car elle n’est pas centralisée, ce qui a été primordial dans le rôle qu’ont joué les réseaux sociaux lors des « révolutions arabes » en 2011. La force d’Internet, et la raison pour laquelle il représente un tel danger pour le pouvoir, est que son essor a permis à chacun de devenir vecteur de la diffusion de l’information, et non plus seulement consommateur.

De fait, toutes les libertés fondamentales sont par nature dangereuses du point de vue du pouvoir, car celui-ci souhaite tout contrôler et ne rien laisser au hasard. Le pouvoir sait que les futurs mouvements de contestation qui le mettront tôt ou tard en danger naîtront quelque part parmi le peuple, sans pouvoir prévoir où ni comment, sauf à surveiller toute la population et à contrôler les faits et gestes de chacun des individus qui la composent. C’est une des raisons pour lesquelles, sous prétexte de lutte contre le terrorisme, la délinquance ou la pornographie, la vie privée est systématiquement attaquée, que ce soit avec l’espionnage des communications électroniques, ou par la multiplication des caméras de surveillance.

La peur fournit les meilleurs prétextes : ainsi au lendemain des attentats terroristes de janvier et novembre 2015, le discours hégémonique était celui de la « nécessaire » suspension des libertés publiques pour plus de sécurité : dans la pratique les réponses sécuritaires proposées à la suite d’un attentat ou un fait divers meurtrier visent en réalité la restrictions des libertés publiques, et le renforcement du pouvoir de l’État, bien plus que la véritable protection de la population.

Réprimer et décourager la contestation→Texte complet

La logique répressive permet la mise en place d'outils de sanction des manifestations et de contrôle des mouvements sociaux. Des dégradations ou des actes de violence commis par des manifestants peuvent-être le prétexte à l'interdiction de manifestations futures, puis à la répression de ces mêmes manifestations si elles se maintiennent, car devenues illégales. On attend alors implicitement des mouvements sociaux qu'ils deviennent inoffensifs, et on crée cette attente parmi le peuple : toute manifestation qui génère des désagréments ou susceptible de menacer l'ordre établi est ainsi décrédibilisée.

On entretient ainsi l'illusion d'une société sans violence, mais la violence continue d'exister : ce n’est que la violence physique, la plus visible, qui est condamnée, et seulement lorsqu'elle vient des contestataires. La violence sociale du capitalisme continue d’exister en arrière plan. La violence de l'État qui réprime les mouvements sociaux n'est, elle, pas critiquée ni remise en question : elle est implicitement présentée comme un mal nécessaire pour maintenir l'ordre.

Les grèves, principal outil de révolte du peuple contre ses exploiteurs, sont rendues illégales ou inefficaces par la loi, et leur répression par la violence poursuit un but dissuasif. L’interdiction des manifestations délégitime celles-ci auprès de la masse de la population, celle qui aurait représenté le gros des cortèges, et les arrestations de masse (suivies de longues gardes à vue), ainsi que les brutalités policières visent à dissuader les manifestants qui persistent.

L’autoritarisme comme aboutissement naturel de tout État non-démocratique→Texte complet

Tout État non démocratique (y compris donc tout système électoral) dérive nécessairement en un système autoritaire à terme.

Toutes les libertés fondamentales existantes, à l’instar du droit du travail, ne sont pas liées naturellement à l’existence de l’État, mais sont seulement le résultat du rapport de force social. Ces libertés sont préservées tant que cela est nécessaire pour maintenir la paix sociale, et tant que le pouvoir centralisé considère que les attaquer trop directement risquerait de créer des révoltes, et le mettre en danger. Mais tout pouvoir non-démocratique qui a la possibilité de réduire les libertés publiques le fera aussitôt qu’il le pourra.

Croire que les élus, parce qu’ils sont élus, défendraient les libertés de leurs électeurs, est d’une naïveté dangereuse, quand leur absence de scrupules et leur avidité de pouvoir ont déjà été démontrées mandat après mandat. Les maigres garanties ou garde-fous mis en place pour rassurer le peuple ne sont que des illusions, conçues par le pouvoir pour ne pas le gêner.

L’État organise les forces de l’ordre pour la violence et les arme pour la répression. Il entretient les conditions de tension entre la police et la population, et protège l’arbitraire policier en organisant l’impunité des policiers auteurs de violence, afin de terrifier ceux qui se révoltent.

Le pouvoir centralisé surveille et fiche la masse de la population, et restreint les libertés dès qu’il le peut, étudie la dynamique des mouvements de foule pour mieux réprimer les révoltes et s’en prémunir, via une militarisation croissante des sciences sociales et de la gestion de manifestations, mettant déjà en place tous les outils de répression qu’il s’apprête à utiliser contre le peuple.

Comme l’appétit de richesses, l’appétit de pouvoir ne peut être rassasié, et le caractère non-démocratique des États conduit à une escalade du pouvoir : ce sont les gouvernants qui définissent la forme des contre-pouvoirs existants ; ils définissent donc les limites de leur propre pouvoir, et élargissent sans cesse celles-ci, dès que le peuple n’est pas en mesure de contester. S’octroyant à eux-mêmes le pouvoir, ils en accumulent de plus en plus, et c’est uniquement parce qu’ils ne peuvent pas se voter les pleins pouvoirs qu’ils ne le font pas, et qu’ils se soumettent à la mascarade qu’est l’élection. Mais si un État devait devenir assez puissant pour écraser toute révolte potentielle à coup sûr, nul doute que ses représentants du moment s’accorderaient immédiatement les pleins pouvoirs sans hésiter.

Attendre un traitement équitable de la part de tout État non-démocratique est illusoire. Les dérives autoritaires des « démocraties représentatives » ne peuvent que s’aggraver dans les années à venir, et leur brutale accélération récente confirme la fragilité des libertés publiques existantes actuellement. À moyen terme, ces dérives ne peuvent qu’aboutir à l’établissement de dictatures ouvertes si rien n’est fait. Seule la mise en place d’une véritable démocratie peut mettre un terme à ces dérives, et garantir durablement les libertés et la justice.


Notes et références

  1. Par exemple, par l’élection à la proportionnelle au lieu du scrutin uninominal majoritaire.
  2. Avec le passage à un régime politique parlementaire.
  3. Des prestations rémunérées de journalistes qui mettent leur notoriété au service d’entreprises privées.
  4. Documentaire « Les nouveaux chiens de garde », 2012.
  5. 75% des Français gagnent moins de 2 500€ net mensuels en 2013, le revenu net médian étant 1 770€.
  6. Documentaire « Les nouveaux chiens de garde », 2012.
  7. « Les nouveaux chiens de garde », 2012.
  8. La Table ronde des Industriels européens (European Round Table, ERT) est un groupe de lobbying créé en 1983 et rassemblant aujourd’hui les 49 plus grandes entreprises européennes, situées dans 18 pays de l'UE..
  9. « The Brussels business », film documentaire, 2012
  10. Par exemple, en septembre 2015, la nomination à la tête de la Banque de France de François Villeroy de Galhau, haut responsable pour la banque privée BNP Paribas entre 2003 et 2015, nomination approuvée par les commissions des finances de l’Assemblée Nationale et du Sénat à plus de 80% des voix, malgré une situation de conflit d’intérêts pourtant patente et dénoncée.
  11. Par exemple, en France, le délai de prescription très court du délit de corruption (3 ans seulement), empêche nombre de poursuites d’aboutir (ce délai étant calculé à partir de la commission du délit, et non de sa découverte).
  12. En France, le parquet, responsable des poursuites, est hiérarchiquement soumis au ministère de la Justice.
  13. « On ne prête qu'aux (patrons de presse) riches », Le Canard Enchaîné, le 26/08/2015.
  14. Ils peuvent l’être, mais cela n’a pas un impact significatif sur leur comportement, et s’explique déjà par des mécanismes globaux, tels que la sélection en amont et la cooptation.